La scène politique congolaise s’embrase à nouveau suite aux déclarations incendiaires de l’ancien chef de l’État, Joseph Kabila, remettant en cause la gestion sécuritaire du président Tshisekedi. Dans une réponse cinglante, la Force Grise pour la Démocratie et le Progrès Social (FG/DPS), proche de l’UDPS, a dénoncé vendredi une « mauvaise réécriture de l’histoire », ouvrant un front mémoriel explosif sur la responsabilité des défaillances sécuritaires à l’Est de la RDC.
Lors d’une conférence de presse à Kinshasa, Charly Mwela, président de la FG/DPS, a rappelé avec force que sous les 18 ans de règne de Kabila, « l’Est de la RDC était en proie à des conflits armés chroniques avec plus de 120 groupes armés documentés ». Une réalité que l’ancien président aurait selon lui occultée dans ses récentes sorties médiatiques, alors qu’il imputait à Tshisekedi la « déliquescence » actuelle de la situation. Cette offensive verbale soulève une question cruciale : qui porte réellement la responsabilité historique de l’insécurité dans les provinces orientales ?
Le cœur du débat se cristallise autour de l’héritage sécuritaire. La FG/DPS rétorque que le président actuel « travaille dur pour apurer ce lourd passif de plus de 30 ans » dont il aurait hérité. Plus percutant encore, Mwela établit une filiation directe entre l’ancien chef de l’État et les groupes rebelles : « Ce passif douloureux tire sa source de l’AFDL, précurseur des groupes armés dont le M23… dont [Kabila] est le patron en mal de déguisement ». Une accusation à peine voilée de parrainage des milices, jetant une ombre sur les critiques actuelles.
Face aux accusations de Kabila sur la « contreperformance » des FARDC, le parti pro-gouvernemental brandit les réformes militaires engagées. La création de l’École de Guerre, la réouverture des centres de formation de Kibomango et Kananga, ou encore l’introduction de la sécurité sociale via la CNSSAP sont présentées comme des « actes d’engagement inédits dans l’histoire de la RDC ». Ces mesures, couplées à l’augmentation de la solde des militaires, constitueraient la preuve d’une volonté réelle de professionnalisation des forces armées.
Pourtant, le débat dépasse la simple polémique. En pointant du doigt des « recrutements ethniquement motivés » et l’« emprisonnement sans jugement d’officiers swahiliphones », Kabila touche à des fractures sensibles. Cette dimension communautaire introduit-elle un risque d’ethnicisation du débat sécuritaire ? La réponse du pouvoir, centrée sur la continuité des réformes structurelles, semble vouloir éviter cet écueil tout en rejetant la thèse d’une rupture dans la chaîne de commandement.
Ce duel mémoriel révèle une bataille plus profonde pour le récit historique de la sécurité congolaise. Tandis que Kabila tente de se repositionner en garant de l’ordre militaire, le camp présidentiel renvoie systématiquement à la genèse des conflits sous sa gouvernance. L’enjeu dépasse la simple controverse politique : il s’agit de légitimer ou discréditer les réformes en cours des FARDC face à une opinion publique lassée par l’instabilité chronique.
Dans ce contexte, les prochains mois seront décisifs. La capacité du gouvernement à démontrer l’efficacité de sa Programmation Militaire face aux groupes armés congolais déterminera qui, in fine, remportera cette guerre des narratifs. Mais une question subsiste : cette polémique sert-elle réellement la pacification de l’Est ou alimente-t-elle un climat délétère au moment où l’unité nationale serait cruciale ? Le temps, et surtout les résultats sur le terrain, trancheront ce conflit politique dont les répercussions pourraient bien façonner l’avenir sécuritaire de la RDC.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd