Alors que l’intelligence artificielle s’immisce progressivement dans les rédactions congolaises, le débat sur son impact sur la profession journalistique prend une tournure cruciale. Lors d’un échange organisé par Echo.cd sur X, Barick Buema, directeur de Parole Écrite, a apporté une analyse nuancée qui interroge autant qu’elle éclaire.
L’IA représente-t-elle une menace existentielle pour le journalisme traditionnel ? Pour le praticien chevronné, le danger réside moins dans la technologie elle-même que dans son utilisation débridée. « Le véritable risque, c’est la tentation de substituer complètement l’homme à la machine dans la chaîne de production de l’information », souligne-t-il, pointant du doigt les dérives d’un journalisme automatisé où le style s’uniformise et l’émotion s’évapore.
La question de la déconnexion du terrain cristallise les craintes. Comment une intelligence artificielle pourrait-elle restituer l’angoisse palpable d’un quartier en crise ou la tension électrique d’une audience judiciaire ? Ces éléments immatériels, constitutifs du récit journalistique, échappent à la froide logique algorithmique. Barick Buema rappelle avec force que le métier ne se réduit pas à l’écriture : il naît de l’enquête, du contact humain, de l’immersion dans les réalités complexes.
Pourtant, le patron de Parole Écrite refuse tout catastrophisme. L’impact de l’IA sur les médias en RDC présente selon lui des opportunités insoupçonnées. La transcription automatique d’interviews, la détection de désinformation ou l’analyse de mégadonnées offrent aux rédactions des outils puissants pour gagner en efficacité. « Utilisée comme assistant plutôt que comme substitut, cette technologie peut libérer du temps précieux pour le travail de fond », précise-t-il, appelant à une symbiose homme-machine.
Mais cet équilibre exige une vigilance éthique constante. Le journaliste congolais insiste sur la nécessité de préserver les fondamentaux du métier : vérification méticuleuse des sources, indépendance rédactionnelle et respect strict de la déontologie. En citant Georges Wawa, figure historique de l’IFASIC, il réaffirme l’importance des sens en reportage – cette capacité à saisir l’inaudible et à traduire l’indicible qui demeure l’apanage de l’expérience humaine.
Alors où se situe la frontière entre progrès et dérive ? Pour Barick Buema, la réponse tient dans un usage raisonné où l’IA devient un levier plutôt qu’un remplacement. « L’intelligence artificielle ne tuera pas le journalisme congolais à condition que les professionnels restent les gardiens intransigeants de leur rôle : témoins engagés, analystes critiques et passeurs de vérité », conclut-il, traçant ainsi une voie médiane entre technophobie et enthousiasme naïf.
Cette réflexion arrive à point nommé alors que les médias congolais expérimentent timidement ces outils. Entre craintes légitimes et potentialités réelles, le secteur semble à la croisée des chemins. L’enjeu dépasse la simple modernisation des rédactions : il touche à l’essence même d’un journalisme africain soucieux de préserver son identité tout en épousant son temps.
Article Ecrit par Amissi G
Source: Eventsrdc