Dans un échange aussi vif que symbolique, le porte-parole du gouvernement congolais, Patrick Muyaya, a porté un coup de griffe politique à l’ancien président Joseph Kabila, le qualifiant sans ambages d’« homme du passé ». Cette déclaration, faite ce dimanche 25 mai, intervient en réponse à la récente sortie médiatique de l’ex-chef de l’État sur la RTNC, où ce dernier a fustigé l’action du pouvoir en place. Un duel rhétorique qui cristallise les fractures d’une transition politique encore en quête d’équilibre.
« Le plus important pour nous, en tant que gouvernement, c’est de nous assurer que chaque jour, nous progressons », a martelé Patrick Muyaya, opposant aux critiques de Kabila la réalité d’un exécutif « au travail ». Une réplique qui sonne comme un rappel à l’ordre : l’ère Kabila appartiendrait aux archives d’un Congo révolu. Mais derrière cette assurance affichée perce une stratégie plus subtile – celle de discréditer un rival en recyclant ses propres armes.
Joseph Kabila, dans sa vidéo YouTube du 23 mai, avait pourtant frappé fort. En diagnostiquant un Congo « gravement malade » où « la volonté du Chef de l’État tient désormais lieu de loi suprême », l’ancien président a visé au cœur le bilan de Félix Tshisekedi. Ses accusations ? Corruption systémique, détournements massifs et dérive autoritaire. Un réquisitoire qui, ironie du sort, ressemble étrangement à ceux qu’il essuyait lui-même au crépuscule de son mandat.
« C’est un ensemble de contradictions qui ressortent de ses déclarations », rétorque Patrick Muyaya, pointant du doigt le soutien inattendu de Kabila à des mouvements qu’il réprimait jadis. Le porte-parole y décèle-t-il l’opportunisme d’un homme politique en mal d’influence ? La question plane, sans réponse explicite. Reste que cette polémique révèle un enjeu crucial : dans la bataille pour le récit national, qui incarnera la légitimité post-transition ?
L’offre politique de Kabila – un « pacte citoyen » en douze points – ajoute une couche stratégique à ce duel. En se posant en faiseur de solutions, l’ex-président tente-il de rebâtir son crédit sur les ruines du présent ? Ou ne s’agit-il que d’une manœuvre pour maintenir une emprise sur l’échiquier congolais ? Le gouvernement, lui, balaie la proposition d’un revers de main courtois : « Nous sommes en démocratie, chacun est libre de ses opinions ».
Ce face-à-front dépasse la simple joute verbale. Il met en lumière les tensions d’un pouvoir actuel contraint de gérer l’héritage encombrant de son prédécesseur tout en consolidant sa propre légitimité. La rhétorique de Muyaya, centrée sur la notion de progrès quotidien, cherche-t-elle à évacuer les fantômes du passé ? Ou au contraire, en les réveillant, risque-t-elle de raviver leur influence ?
L’avenir le dira. Mais une chose est sûre : chaque sortie publique de Kabila fonctionne comme un test de résistance pour l’actuelle majorité. Sa capacité à répondre par les actes plutôt que par les mots déterminera si cette passe d’armes restera un épisode médiatique ou deviendra le prélude d’une recomposition politique majeure.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
