Levée d’immunité de Matata Ponyo : La Cour constitutionnelle sous le feu des critiques parlementaires
La décision de la Cour constitutionnelle de la RDC de lever l’immunité de l’ancien Premier ministre Matata Ponyo, dans le cadre du procès Bukanga Lonzo, a jeté un froid persistant au sein de l’Assemblée nationale. Les députés, y compris ceux de la mouvance présidentielle, dénoncent une « violation flagrante » des procédures législatives, accusant la juridiction de s’être affranchie des observations préalables du Parlement. Une situation qui, selon plusieurs élus, ouvre la voie à une « judiciarisation à géométrie variable » de la vie politique congolaise.
Alfred Nzondomyo, député national, n’a pas mâché ses mots : « Les immunités parlementaires ne sont plus qu’un leurre. La Cour a transformé nos protections en simples formalités théoriques. » Une déclaration qui résonne comme un avertissement à l’endroit de ses pairs, désormais vulnérables à des poursuites jugées « arbitraires ». Mais au-delà des émotions individuelles, c’est l’équilibre des pouvoirs qui semble menacé. La Cour constitutionnelle, en s’arrogeant un rôle « régulateur de la vie politique » – selon les termes du député Pascal Gaspard Kondankoy –, empiéterait-elle sur les prérogatives du législateur ?
Un précédent dangereux pour la démocratie congolaise ?
Le cœur du débat réside dans l’interprétation extensive des textes par les juges constitutionnels. « Inspirée du modèle béninois, cette approche est un cheval de Troie dans notre système juridique », fulmine Kondankoy, appelant le président de l’Assemblée nationale à saisir Félix Tshisekedi lors de la prochaine réunion interinstitutionnelle. La crainte ? Voir s’instaurer une « gouvernance des robes », où le judiciaire remplacerait progressivement le débat démocratique.
Le président Tshisekedi, promoteur affiché de la cohésion nationale, se retrouve dans une position délicate. Son appel à « dépasser les émotions individuelles » suffira-t-il à calmer les esprits ? Rien n’est moins sûr. Car en sous-estimant les frustrations parlementaires, le chef de l’État risque de fragiliser sa propre majorité. « Quand les élus se sentent menacés, ils peuvent devenir imprévisibles », glisse un observateur de la scène politique kinoise.
Bukanga Lonzo : Procédure judiciaire ou règlement de comptes politique ?
L’affaire Bukanga Lonzo, ce projet agricole controversé ayant englouti près de 200 millions de dollars, sert de toile de fond à cette crise institutionnelle. Si la lutte contre l’impunité reste un mantra du régime, certains y voient un « instrument de pression » sur une opposition en recomposition. Matata Ponyo, figure montante de la contestation, incarnerait-il ce risque que redoute le pouvoir ?
La réponse de Tshisekedi à cette crise sera déterminante. Parviendra-t-il à concilier exigences judiciaires et stabilité politique ? Ou assiste-t-on aux prémices d’une rupture entre les institutions, susceptible de plonger le pays dans « l’abîme » – pour reprendre la formule alarmiste d’un parlementaire ? L’équation est complexe : maintenir le cap des réformes tout en préservant l’unité d’une classe politique plus divisée que jamais.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: mediacongo.net