Dans un geste chargé de symbolisme, l’ancien président Joseph Kabila a choisi Goma, épicentre des tensions régionales, pour lancer son nouveau manifeste politique. Son arrivée dans cette ville sous contrôle du M23, mouvement rebelle accusé de liens avec Kigali, interroge autant qu’elle divise. Comment interpréter cette démarche au moment où le Sénat lève son immunité judiciaire ?
Accueilli par des messages élogieux des porte-paroles du M23 sur les réseaux sociaux, l’ex-chef de l’État a déployé une rhétorique martiale contre le pouvoir de Kinshasa. « Abandon des populations », « punition collective par asphyxie financière » : ses accusations frappent fort dans une région meurtrie par trois décennies de conflits. Une critique en miroir qui renvoie le gouvernement à ses propres contradictions dans la gestion de la crise orientale.
Son plan en 12 points, présenté comme remède aux maux congolais, mêle habilement revendications populaires et calculs stratégiques. La promesse de « restaurer l’autorité de l’État » sur tout le territoire sonne comme un défi direct à l’exécutif actuel, tandis que l’appel au « retrait des troupes étrangères » semble taillé pour séduire les nationalistes. Un équilibre délicat entre posture patriotique et réalpolitik.
Les observateurs notent la synchronisation troublante entre cette démonstration de force médiatique et la procédure judiciaire en cours. La levée des immunités parlementaires, motivée par des soupçons de collusion avec le M23, transforme soudain le théâtre de Goma en tribune politique inattendue. « Le calendrier n’est pas le fruit du hasard », glisse un diplomate sous couvert d’anonymat.
Cette opération séduction dans l’Est instable révèle les fissures d’un système à bout de souffle. En brandissant le spectre de la « tyrannie » et en appelant à « humaniser » le pouvoir, Kabila recycle les thèmes qui firent jadis son succès. Mais sa capacité à incarner l’alternative crédible se heurte désormais à son lourd héritage politique.
La balle est désormais dans le camp de Kinshasa. Répondre par la surenchère sécuritaire ? Ouvrir des négociations régionales ? Contrer par un projet de société plus attractif ? Les prochaines semaines diront si cette sortie spectaculaire relance véritablement la machine kabiliste ou achève de la discréditer aux yeux d’une population en quête de solutions concrètes.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd