Lors de la 44ème réunion du Conseil des ministres tenue le 23 mai 2025, le gouvernement congolais a marqué un tournant stratégique en annonçant l’urgence de ratifier l’Accord de l’OMC sur la facilitation des échanges. Une décision présentée par le ministre du Commerce extérieur, Julien Paluku Kahongya, comme un « catalyseur de réformes structurelles » pour l’économie nationale. Mais quels enjeux concrets se cachent derrière ce texte international, et comment la République Démocratique du Congo (RDC) compte-t-elle en tirer profit ?
Adopté en 2013 et entré en vigueur en 2017, cet accord vise à réduire de 14,3 % en moyenne les coûts liés aux procédures douanières selon les estimations de la Banque mondiale. Pour la RDC, dont les exportations de minerais représentent 85 % des recettes d’exportation, sa ratification permettrait une modernisation des infrastructures logistiques et une réduction des délais de transit. Des gains non négligeables dans un pays où le commerce transfrontalier pèse 32 % du PIB régional selon la Banque africaine de développement.
« Cette ratification n’est pas une simple formalité diplomatique, mais un levier opérationnel pour attirer les investissements », a insisté Julien Paluku Kahongya. Le ministre a chiffré les retombées potentielles : une augmentation de 6 à 8 % des flux commerciaux annuels et une réduction de 30 % des délais de dédouanement d’ici 2030. Des projections qui s’appuient sur l’expérience camerounaise où la mise en œuvre partielle de l’accord a déjà généré une économie de 50 millions de dollars par an en frais de logistique.
L’analyse des experts révèle cependant des défis majeurs. La RDC devra mobiliser près de 120 millions de dollars pour moderniser ses 26 postes frontaliers prioritaires et former 15 000 agents publics aux nouvelles procédures. « L’enjeu dépasse la simple ratification : il faut une réforme systémique impliquant douanes, transporteurs et opérateurs économiques », souligne un rapport de la CNUCED daté de mars 2025.
Sur le plan géoéconomique, cette adhésion pourrait repositionner le pays comme plateforme logistique régionale, notamment grâce à son accès à l’océan Atlantique et au réseau fluvial du Congo. Une opportunité stratégique face à la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF) dont les échanges intra-africains devraient atteindre 500 milliards de dollars d’ici 2035.
Reste la question des subventions à la pêche – autre accord OMC non ratifié – qui concerne directement les 92 000 tonnes de poissons commercialisées annuellement par la RDC. Le gouvernement promet une approche séquentielle : « Priorité à la facilitation des échanges en 2025-2026, avant de s’attaquer aux autres dossiers », a précisé le ministre.
À l’heure où les pays du G20 renforcent leurs barrières non tarifaires, la RDC semble opter pour une stratégie d’ouverture maîtrisée. Un pari risqué mais nécessaire pour diversifier une économie encore trop dépendante des matières premières. Les prochains mois seront cruciaux : la mise en œuvre effective des réformes déterminera si Kinshasa réussit à transformer cet engagement international en croissance inclusive.
Article Ecrit par Amissi G
Source: Actualite.cd