Dans la province du Kwango, le délabrement avancé de la route Kenge-Mawanga, axe vital de 250 kilomètres, plonge les communautés locales dans une crise économique persistante. Lancés en octobre 2022 par l’entreprise ABC, les travaux de réhabilitation ont connu deux interruptions successives avant la résiliation définitive du contrat par l’Office des routes. Aucun repreneur n’ayant été désigné depuis, cet échec opérationnel bloque l’évacuation de 85% des productions agricoles de la région, selon les estimations des acteurs locaux.
« Cette route est l’artère économique de notre province », explique Symphorien Kwengo, vice-président du cadre de concertation de la société civile du Kwango. Les cultivateurs de manioc et d’arachides – principales cultures de rente – perdraient jusqu’à 40% de leurs revenus annuels à cause des surcoûts logistiques imposés par l’état du réseau. Un paradoxe dans une région où le secteur agricole représente 70% de l’activité économique.
La double suspension du chantier interroge sur la gestion des fonds publics. Initialement budgétisé à 15 millions USD, le projet n’aurait vu que 35% des travaux réalisés avant la première interruption en 2023. « Les retards de paiement aux sous-traitants ont créé un effet domino », révèle une source interne sous couvert d’anonymat. Une situation qui justifie la demande d’audit financier réclamée par la société civile pour tracer l’utilisation des fonds alloués.
Quelles conséquences macroéconomiques ? Le Kwango, qui contribue à hauteur de 12% au PIB agricole national selon la Banque centrale, risque de voir ses exportations vers Kinshasa diminuer de 25% d’ici 2025 si la situation persiste. Les pertes fiscales pour l’État pourraient alors atteindre 2,5 millions USD annuels, sans compter l’impact sur la sécurité alimentaire des 1,2 million d’habitants de la province.
La solution passe-t-elle par un nouveau cahier des charges ? Les experts recommandent un modèle de partenariat public-privé incluant des clauses de performance. « Il faut privilégier les entreprises locales ayant une connaissance terrain », suggère un économiste spécialiste des infrastructures africaines. Une approche qui permettrait de réduire de 20% les coûts d’exécution tout en créant 1 500 emplois directs.
L’Office des routes se dit « conscient de l’urgence » et promet une nouvelle procédure de mise en concurrence d’ici fin 2024. Reste à savoir si ce calendrier suffira à relancer la machine économique d’une région dont le potentiel reste entravé par des infrastructures défaillantes. L’enjeu dépasse le simple désenclavement : il s’agit de redonner souffle à tout un écosystème productif menacé d’asphyxie.
Article Ecrit par Amissi G
Source: radiookapi.net