Dans un paysage congolais marqué par des défis complexes, trois femmes incarnent cette semaine les facettes contrastées du leadership féminin en Afrique. Entre avancées symboliques et reculs inquiétants, leurs histoires tracent une cartographie des enjeux qui traversent la société congolaise.
« Quand une femme accède à un poste de décision, c’est toute une génération qui trouve des modèles », confie une militante de Kinshasa jointe par notre rédaction. Cette phrase résonne particulièrement avec la nomination de Liberata Mulamula comme Envoyée spéciale de l’Union africaine pour les femmes, la paix et la sécurité. La diplomate tanzanienne, figure historique du Réseau des Femmes Leaders Africaines (AWLN), devra porter la voix des millions de femmes affectées par les conflits armés. Sa désignation intervient dans un contexte où la RDC compte toujours plus de 5,9 millions de déplacés internes, dont 52% de femmes selon le HCR.
À l’autre bout du spectre social, Grâce-Léonie Mukala représente cette jeunesse congolaise qui refuse la fatalité. Sa société Tata Leo, spécialisée dans les compléments alimentaires à base de ressources locales, illustre le potentiel souvent sous-exploité de l’entrepreneuriat agroalimentaire au Congo. « Nos forêts regorgent de trésors nutritionnels. Pourquoi importer des solutions étrangères quand nous avons l’expertise locale ? », interroge-t-elle dans un entretien téléphonique. Son projet NutriSkin, développé à partir de moringa et de baies sauvages, pourrait créer 200 emplois directs d’ici 2025 selon ses estimations.
Mais l’actualité rappelle cruellement que le chemin reste semé d’embûches. La disparition troublante d’Yvonne Mwepu, ex-députée et figure politique, soulève des questions brûlantes sur la sécurité des femmes politiques en Afrique. Selon des sources proches du FCC, son domicile kinois aurait été investi par des hommes armés sans mandat. « Comment prétendre encourager le leadership féminin quand d’anciennes élues ne sont même plus en sécurité chez elles ? », s’indigne une activiste sous couvert d’anonymat.
Ces trois destins croisés dessinent une Afrique en tension entre progrès et régressions. Si la nomination de l’Union africaine consacre des années de plaidoyer féministe, elle contraste avec les obstacles quotidiens des entrepreneures comme Mukala, confrontée au manque de financements. « Les banques demandent des garanties impossibles pour les jeunes sans patrimoine », déplore-t-elle, révélant un système économique encore hostile aux initiatives féminines.
La classe politique n’échappe pas à ces contradictions. Alors que le pays compte 12% de femmes au Parlement – loin de la parité constitutionnelle –, le cas Mwepu expose la vulnérabilité post-mandat. « Beaucoup d’anciennes élues vivent dans la crainte après avoir quitté leurs fonctions », confirme un expert en sécurité interrogé par nos soins.
Ces récits entrelacés posent in fine une question cruciale : l’Afrique peut-elle vraiment se développer en marginalisant la moitié de sa population ? Alors que le continent cherche sa voie dans un monde en crise, les solutions passent peut-être par un nouveau contrat social – celui qui saura transformer les femmes leaders en RDC et ailleurs non plus en exceptions médiatiques, mais en actrices incontournables du changement.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd
