Dans un contexte de tensions sécuritaires et de défis économiques, la Première Ministre Judith Suminwa Tuluka a choisi Kananga comme épicentre d'un message politique à double détente. Son discours samedi à la place de l'Indépendance, savant mélange d'appel patriotique et de promesses concrètes, dessine les contours d'une stratégie gouvernementale sous pression. Entre l'urgence de l'unité nationale face à l'agression AFC/M23 et l'exigence de résultats rapides sur les chantiers du Kasaï Central, le cap semble aussi ambitieux que périlleux.
La Cheffe du gouvernement a martelé sa doctrine avec une rhétorique martiale : « Derrière notre Président, nous défendrons chaque centimètre de notre territoire ». Une formule choc qui, sous couvert de mobilisation générale, souligne implicitement les limites de l'autorité étatique dans l'Est du pays. Le choix de Kananga pour cet appel à la cohésion nationale n'est pas anodin : cette région stratégique, berceau politique de nombreux dirigeants, cristallise les enjeux de légitimité du pouvoir central.
Sur le front économique, les annonces fleurissent : réhabilitation des routes, lutte contre l'érosion et relance du barrage de Katende. Des projets phares du PAG 2024-2028 présentés comme panacée aux maux locaux. Mais comment croire à cette « révolution infrastructurelle » quand on sait les déboires chroniques des marchés publics en RDC ? La promesse de traque contre « chaque franc volé » sonne comme un aveu des pratiques passées plutôt qu'une garantie crédible.
Le véritable coup de force politique réside dans le calendrier affiché. « Pas demain, aujourd'hui » : ce leitmotiv répété à l'envi cherche visiblement à conjurer le spectre des engagements non tenus. En liant explicitement sa crédibilité à la réalisation des promesses de Tshisekedi au Kasaï Central, Judith Suminwa Tuluka prend un risque calculé. Mais jusqu'à quand la population acceptera-t-elle de troquer sa « patience » contre des chantiers à venir ?
Cette tournée provinciale, qui s'inscrit dans une logique de quadrillage territorial du pouvoir, révèle une équation complexe. Comment concilier les urgences de guerre à l'Est avec les demandes sociales des provinces marginalisées ? Le gouvernement joue sur tous les tableaux, mais l'enveloppe financière suivra-t-elle ? Alors que les bailleurs internationaux guettent les premiers résultats, le Kasaï Central devient malgré lui le laboratoire d'une gouvernance à l'épreuve du terrain.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd
