Dans le territoire de Nyiragongo au Nord-Kivu, les survivants de la maladie à virus Mpox affrontent un défi méconnu : la stigmatisation persistante malgré leur guérison. Alors que la RDC renforce sa lutte contre cette infection, l’enjeu de la réinsertion sociale des anciens malades émerge comme un obstacle critique à leur bien-être.
« La guérison clinique ne suffit pas », alerte Séraphin Muganza, psychologue intervenant dans la zone de santé de Nyiragongo. Son constat révèle une double souffrance : les séquelles psychologiques chez les survivants et les préjugés tenaces dans les communautés. Un phénomène qui rappelle les défis rencontrés lors des épidémies d’Ebola, où la méfiance persistait parfois pendant des années.
Les témoignages se succèdent pour illustrer ce cercle vicieux. Mamie, commerçante mère de famille, décrit comment ses clients fuyaient son étal de chaussures par crainte de contamination. « On me regardait comme un danger ambulant », confie-t-elle, malgré les certificats médicaux attestant sa guérison. À l’autre extrémité du spectre, Pauline, étudiante de 19 ans, s’est murée dans le silence par autocensure : « Je préfère rester seule plutôt que de risquer de transmettre quoi que ce soit ».
Un traumatisme en deux temps
Les spécialistes identifient ici un mécanisme psychologique complexe. La peur de la contamination laisse place à une anxiété sociale durable, renforcée par l’isolement post-maladie. « C’est comme si ces personnes portaient une cicatrice invisible que tout le monde voit », explique le Dr Muganza. Sans accompagnement adapté, ce stress peut évoluer vers des troubles anxieux chroniques ou des épisodes dépressifs.
La solution ? Un protocole intégré combinant soutien précoce et éducation communautaire. Les centres de traitement commencent désormais à dispenser des séances de psychoéducation avant la sortie des patients. Objectif : outiller les survivants pour affronter les regards sceptiques et les questions intrusives.
Changer les mentalités, un voisinage à la fois
« Comment briser la chaîne de la méfiance ? » interroge une campagne de sensibilisation lancée dans 15 villages du Nord-Kivu. Des équipes mobiles organisent des causeries communautaires où d’anciens patients partagent leur parcours. Une approche qui a fait ses preuves contre la stigmatisation du VIH, réduisant de 40% les comportements discriminatoires selon une étude locale.
Le programme prévoit aussi la distribution de kits de réinsertion. Ces trousses pratiques contiennent un capital de démarrage pour des activités génératrices de revenus, des documents de sensibilisation à montrer aux voisins, et un accès prioritaire aux consultations psychologiques. « Ces kits sont une bouée de sauvetage économique et sociale », souligne une travailleuse communautaire.
La voie à suivre
Les autorités sanitaires plaident pour une approche multisectorielle :
– Intégration de psychologues dans les centres de traitement de Mpox
– Formation des relais communautaires à la gestion des préjugés
– Suivi médical post-guérison pendant 6 mois minimum
– Implication des leaders religieux et traditionnels dans les campagnes de sensibilisation
« Nous devons collectivement tourner la page de la peur », insiste le Dr Muganza. Un impératif de santé publique : en favorisant la réinsertion sociale, on encourage les populations à consulter rapidement en cas de symptômes, limitant ainsi la propagation du virus.
Article Ecrit par Amissi G
Source: radiookapi.net
