Les forêts du bassin du Congo, ce poumon vert vital pour l’équilibre climatique mondial, viennent de lancer un cri d’alarme à Kinshasa. Cinq pays africains – Cameroun, RCA, Congo, Guinée équatoriale et RDC – ont scellé vendredi 23 mai une alliance historique pour sauver leurs forêts tropicales sous perfusion financière. Leur arme ? L’initiative Tropical Forest Forever Facility (TFFF), présentée comme la bouée de sauvetage d’un écosystème absorbant 1,5 milliard de tonnes de CO2 annuel.
Mais à quel prix se négocie cette course contre la montre écologique ? Les États réunis lors du dialogue régional dénoncent un scandale silencieux : malgré leur rôle de régulateur climatique, les forêts tropicales ne captent que 3% des financements environnementaux globaux. « Nous portons le fardeau de l’humanité sans en percevoir les fruits », assène Eve Bazaiba, ministre congolaise de l’Environnement. Sa proposition choc ? Transformer chaque hectare de forêt en actif financier négociable.
Un New Deal vert pour le bassin du Congo
Le mécanisme imaginé ressemble à une révolution comptable. Il s’agit d’intégrer dans le PIB des pays la valeur monétaire des services écosystémiques : stockage carbone, abri de la biodiversité, régulation hydrique. Un buffle = x dollars. Un hectare de forêt primaire = y crédits carbone. Une équation complexe mais vitale pour ces nations longtemps traitées en « parents pauvres » de la géopolitique climatique.
Le projet TFFF vise à créer un marché pérenne, loin des promesses non tenues du passé. Rappel amer : sur les 100 milliards $ annuels promis en 2009 à Copenhague pour le climat, l’Afrique n’a reçu que 12%… Cette fois, les pays du bassin exigent des garanties. Leur forêt couvre 240 millions d’hectares – seconde au monde après l’Amazonie – mais perd chaque année l’équivalent de 500 000 terrains de football.
La biodiversité congolaise, otage des bonnes intentions
Derrière les chiffres se cache un drame humain. 60 millions de personnes dépendent directement de ces forêts, dont des milliers de peuples autochtones. Leur savoir ancestral sur la gestion des écosystèmes pourrait disparaître avant d’être reconnu. Pourtant, le TFFF offre une lueur d’espoir : son financement « prévisible et équitable » pourrait enfin récompenser les gardiens invisibles de la planète.
Mais l’urgence est là. Entre 2015 et 2020, la RDC a perdu 1,3 million d’hectares de couvert forestier. Les okapis et bonobos – espèces endémiques – voient leur habitat se réduire comme peau de chagrin. « Sans action immédiate, nous sacrifions notre avenir pour des promesses en l’air », prévient un délégué anonyme.
Un test pour la justice climatique
La balle est désormais dans le camp des pays riches et investisseurs privés. Accepteront-ils de payer la « facture écologique » du bassin du Congo ? Le mécanisme proposé inclut une transparence radicale des flux financiers – gageure dans une région minée par la corruption. Pour Eve Bazaiba, c’est un « contrat de confiance » à construire : « Nos arbres valent plus que leur bois. Il est temps que le monde le comprenne. »
Alors que la COP29 approche, ce plaidoyer sonne comme un ultimatum. Les forêts tropicales ne peuvent plus être l’angle mort des négociations climatiques. Leur préservation n’est pas une option, mais une condition sine qua non pour éviter l’emballement thermique planétaire. Reste à savoir si les beaux discours se transformeront en engagements contraignants. L’humanité retient son souffle.
Article Ecrit par Miché Mikito
Source: radiookapi.net
