Dans le quartier populaire de Lemba/Kemi à Kinshasa, un modeste salon de coiffure vibre au rythme des confidences et des rires féminins. Priscille Mwanza, 28 ans, y incarne une nouvelle génération d’entrepreneures congolaises mêlant business et empowerment. « Ici, on ne vend pas que des tresses. On écoute, on conseille, on redonne de l’espoir », confie-t-elle en ajustant une mèche rebelle sur sa cliente.
Son histoire ressemble à celle de milliers de femmes congolaises : un diplôme en gestion commerciale obtenu difficilement, des petits boulots alimentaires, puis le déclic entrepreneurial. « Le premier jour, j’avais deux chaises et un miroir fêlé. Aujourd’hui, trois apprenties travaillent avec moi », explique celle qui forme gratuitement des jeunes femmes du quartier.
Derrière les casques chauffants et les pots de produits capillaires importés se cache une réalité économique brutale. Les coupures d’électricité obligent à dépenser 15$ quotidiennement en carburant pour le générateur. « Les produits coûtent 30% plus cher qu’en 2023 à cause de l’inflation », déplore l’entrepreneure, montrant des flacons estampillés « Made in China ».
Pourtant, ce salon représente bien plus qu’une activité commerciale. « Chaque matin, des clientes arrivent avant l’ouverture. Certaines viennent juste pour parler », révèle Priscille. Violence conjugale, accès aux soins, recherche d’emploi – les sujets sensibles émergent naturellement entre deux brushings. Une forme de solidarité organique typique des réseaux féminins urbains congolais.
Comment ces micro-entreprises informelles parviennent-elles à impacter leur communauté ? « Je forme gratuitement deux apprenties par an. Trois ont déjà ouvert leur propre salon », répond fièrement Priscille. Un modèle de transmission qui pallie les carences des programmes publics d’insertion professionnelle.
Son projet ? Transformer l’espace en « centre polyvalent » avec bibliothèque et espace bien-être. Un rêve ambitieux dans un pays où seulement 17% des femmes ont accès à un crédit bancaire selon la Banque Centrale Congolaise. « Les bailleurs financent des grands projets, mais qui soutient les petites initiatives locales ? », interroge-t-elle, les mains plongées dans une crinière à dompter.
À travers son parcours, Priscille incarne les paradoxes de l’entrepreneuriat féminin en RDC : résilience face aux obstacles systémiques, innovation dans les modèles économiques, mais aussi vulnérabilité extrême face aux chocs externes. Son salon n’est pas qu’un lieu de beauté – c’est une cellule de résistance économique où se réinvente quotidiennement la condition des femmes congolaises.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd