Dans un contexte marqué par des tensions croissantes autour de la gestion des fonds publics, la suspension des paiements au groupement ASCAT-SPPE dans le cadre du PDL-145T au Maï-Ndombe révèle une crise aux ramifications politiques et contractuelles complexes. Alors que le gouvernement congolais tente de sauver un projet phare de développement provincial, les accusations de mauvaise gestion et les manœuvres judiciaires jettent une ombre sur l’exécution des travaux publics en RDC.
La Cellule CFEF, bras opérationnel du Plan de Développement Local, se retrouve au cœur d’une tempête judiciaire après la plainte déposée par l’entreprise ASCAT. Une offensive perçue comme une tentative de « détourner l’attention des manquements contractuels graves », selon un responsable sous couvert d’anonymat. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : sur 65 infrastructures scolaires et sanitaires promises, une seule école primaire a été livrée à ce jour, tandis qu’un déficit financier de 2,6 millions USD reste injustifié.
« Lorsqu’un partenaire technique accumule les retards et les dettes sans fournir de garanties bancaires, l’État a non seulement le droit mais le devoir d’intervenir », martèle une source proche du cabinet du Vice-Premier Ministre du Plan. La mise en régie contrôlée confiée au diocèse d’Inongo, mesure exceptionnelle, illustre la volonté des autorités de reprendre en main un dossier menacé par ce qu’un expert en marchés publics qualifie de « dérive systémique ».
Mais pourquoi l’ASCAT a-t-elle choisi la voie contentieuse plutôt que le dialogue technique ? La question hante les couloirs du ministère de l’Intérieur. Certains y voient une stratégie de pression pour renégocier les termes contractuels, d’autres une manœuvre dilatoire visant à masquer d’éventuels dysfonctionnements internes. « Un insolvable qui attaque en justice ressemble à un pyromane accusant les pompiers d’excès de zèle », ironise un cadre de la CFEF.
L’implication directe du Vice-Premier Ministre de l’Intérieur via l’instruction n°000921/2025 témoigne de l’enjeu sécuritaire sous-jacent. En mandatant les services de sécurité pour appuyer les mesures coercitives, le gouvernement envoie un signal sans équivoque : les entraves à la réalisation des infrastructures promises à la population du Maï-Ndombe ne seront pas tolérées. Une posture ferme qui cache mal les vulnérabilités d’un système d’exécution des marchés publics souvent critiqué pour ses lourdeurs administratives.
La désignation du diocèse d’Inongo comme régisseur introduit une dimension inédite dans ce dossier. Cet ancrage territorial et moral pourrait-il constituer un rempart contre les dérives ? Si l’Église locale dispose d’une crédibilité historique dans la province, sa capacité à piloter des chantiers d’envergure reste à démontrer. Le plan d’action soumis début mai devra concilier urgence opérationnelle et rigueur financière – un équilibre que le groupement ASCAT-SPPE n’a visiblement pas su trouver.
Alors que la CFEF menace d’engager des procédures de résiliation définitive, l’entreprise ASCAT joue désormais sa survie commerciale. Ses recours juridiques pourront-ils infléchir une décision gouvernementale étayée par l’avis technique de l’ARMP ? Rien n’est moins sûr. Dans ce bras de fer institutionnel, c’est surtout l’image du gouvernement congolais qui se joue – sa capacité à imposer le respect des contrats tout en préservant les intérêts des populations.
La suite des événements dépendra largement de la réaction des autres acteurs du secteur. Les investisseurs privés observeront avec attention comment les autorités gèrent ce litige emblématique. Une issue rapide et transparente pourrait redonner confiance dans les mécanismes de régulation. À l’inverse, une prolongation du conflit risquerait de décourager les partenaires techniques désireux de s’engager dans les travaux publics en RDC.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd