La condamnation de l’ancien Premier ministre Augustin Matata Ponyo par la Cour constitutionnelle dans l’affaire Bukanga-Lonzo continue de susciter des remous au sein des institutions congolaises. Ce mercredi 21 mai 2025, le député national Paul Gaspard Ngondankoy Nkoy Ea Loongya a vivement critiqué la décision de la haute juridiction lors d’une intervention à l’Assemblée nationale, qualifiant son arrêt de « dangereux » pour l’équilibre des pouvoirs.
Une compétence juridictionnelle contestée
Le parlementaire a souligné une contradiction fondamentale dans la procédure. « L’équation était simple », a-t-il déclaré, rappelant que Matata Ponyo était soit jugé pour des actes commis en tant que Premier ministre – relevant alors de la Cour constitutionnelle –, soit en qualité de député, ce qui aurait dû exclure cette compétence. Or, selon lui, la Cour aurait outrepassé son mandat en s’autorisant un « pouvoir d’interprétation » excessif, violant ainsi le principe de la cristallisation des faits en droit pénal.
Un appel à la réforme institutionnelle
Fustigeant ce qu’il considère comme des « dérapages » répétés, l’élu de Yahuma a plaidé pour une réunion interinstitutionnelle sous l’égide du chef de l’État. Une proposition doublée d’un projet législatif : « Nous pouvons modifier la Constitution tout comme les lois appliquées par la Cour », a-t-il affirmé, brandissant deux propositions de loi visant à clarifier les attributions de la juridiction.
Les racines d’un feuilleton judiciaire
Cette polémique s’inscrit dans une saga judiciaire débutée en 2021. Après s’être initialement déclarée incompétente, la Cour constitutionnelle avait opéré un revirement jurisprudentiel pour finalement juger l’ancien chef du gouvernement. Une décision qui avait alors ouvert la voie au procès pour détournement de 205 millions de dollars allégués dans le cadre du projet agro-industriel avorté.
Les implications d’un arrêt historique
La condamnation à dix ans de travaux forcés prononcée contre Matata Ponyo – ainsi que les peines infligées à ses coaccusés – marque un précédent dans l’histoire judiciaire congolaise. Mais les questions soulevées par le député Ngondankoy interrogent : jusqu’où peut s’étendre le pouvoir d’interprétation des juges constitutionnels ? La frontière entre application et création du droit semble plus poreuse que jamais.
Une crise des contre-pouvoirs ?
Les propos du parlementaire révèlent une tension latente entre pouvoir législatif et judiciaire. En invoquant l’article 151 de la Constitution – qui interdit aux élus de s’immiscer dans l’exécution des décisions de justice – tout en appelant à légiférer, le député esquisse un paradoxe typique des démocraties en construction. La suite dépendra de la réponse des institutions concernées à ce qui pourrait bien devenir un test crucial pour l’État de droit en RDC.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: Actualite.cd