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Maï-Ndombe 3 : Les enseignants face au supplice des salaires fantômes

Dans les salles de classe de la province éducationnelle Maï-Ndombe 3, le tableau noir n’est pas le seul à être vide. Les carnets de paie le sont aussi. Depuis avril 2025, des milliers d’enseignants attendent leurs salaires, un scénario récurrent qui plonge les familles dans une précarité insoutenable. « Comment voulez-vous que nous enseignions l’avenir à nos élèves quand nous-mêmes n’en avons plus ? », interroge, amer, un instituteur sous couvert d’anonymat.

Giscard Mbukela, président de l’Intersyndicale des enseignants, ne mâche pas ses mots : « L’absence de banque payeuse transforme notre province en désert financier ». Ce syndicaliste chevronné, porte-voix d’une colère sourde, a entrepris un périple à Kinshasa pour briser l’engrenage des retards de paiement. Son combat ? Implanter l’agence « La Colombe », présentée comme un messager financier pour ces oubliés du système éducatif congolais.

Les chiffres donnent le vertige : trois à quatre mois d’arriérés salariaux deviennent la norme dans cette région. Une situation qui force les enseignants à des acrobaties quotidiennes. « Certains collègues cultivent des champs après les cours, d’autres deviennent taxi-moto la nuit », confie une institutrice de Bokoro. Ces récits dessinent les contours d’un système éducatif au bord de l’asphyxie.

L’annonce de l’installation prochaine de l’agence « La Colombe » à Nioki, Bokoro et Oshwe suscite un espoir prudent. « C’est une lueur dans notre longue nuit », soupire un directeur d’école. Mais les questions persistent : cette structure parviendra-t-elle à désenclaver financièrement cette province ? Les engagements de régularité des paiements résisteront-ils aux réalités logistiques congolaises ?

En toile de fond, ce dossier cristallise un malaise plus profond. Le syndicat éducation RDC dénonce régulièrement le traitement inégal entre zones urbaines et rurales. « Pourquoi les enseignants des villes sont-ils payés via des applications mobiles tandis que nous comptons encore les jours sur des calendriers en papier ? », s’insurge un membre de l’Intersyndicale.

Les retards de salaires ne sont pas qu’une question de chiffres. Ils sapent l’autorité morale des enseignants, obligés de quémander des crédits chez les commerçants locaux. « Quand ton épicier te fait l’aumône, comment exiger le respect de tes élèves ? », lance, les yeux brillants, un professeur de mathématiques.

L’enjeu dépasse la simple régularisation des paiements. C’est toute la question de la dignité du corps enseignant qui se joue dans ces retards chroniques. La réussite du déploiement de l’agence La Colombe pourrait marquer un tournant. Mais dans les salles des maîtres, on préfère attendre de voir « l’argent couler avant de crier victoire ».

Cette crise des salaires impayés révèle une fracture territoriale criante. Alors que la RDC aspire à réformer son système éducatif, le cas de la province Maï-Ndombe 3 sonne comme un rappel : aucun projet pédagogique ambitieux ne peut prospérer sur le terreau de la précarité. La balle est désormais dans le camp des décideurs – sauront-ils transformer les promesses en réalités tangibles ?

Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net

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Chloé Kasong
Chloé Kasong
Issue de Kinshasa, Chloé Kasong est une analyste rigoureuse des enjeux politiques et sociaux de la RDC. Spécialisée dans la couverture des élections, elle décortique pour vous l’actualité politique avec impartialité, tout en explorant les mouvements sociaux qui façonnent la société congolaise. Sa précision et son engagement font d'elle une voix incontournable sur les grandes questions sociétales.
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