Dans un élan de solidarité rare, le territoire de Katanda au Kasaï Oriental a vibré dimanche 18 mai 2025. Sous un soleil implacable, des centaines de femmes, marquées par les stigmates des conflits communautaires, ont enfin senti le poids de leur détresse s’alléger. Grâce à une initiative conjointe de l’Université Officielle de Mbujimayi (UOM) et de Caritas Mbuji-Mayi, des vivres, des pagnes et des articles de première nécessité ont été distribués à celles que la violence foncière avait plongées dans l’oubli.
« Avant, nos enfants dormaient le ventre vide. Aujourd’hui, ces bassins et ces sacs de farine sont comme une main tendue », confie Mama Kapinga, les yeux brillants de gratitude. Comme elle, des centaines de bénéficiaires ont retrouvé un semblant d’espoir. Cette action humanitaire, financée par une collecte de 11 355 dollars américains, incarne bien plus qu’un simple geste charitable : c’est un baume sur les plaies d’une région meurtrie.
Comment une institution académique se transforme-t-elle en acteur clé de la solidarité ? La réponse se niche dans l’engagement du professeur Cibaka Cikongo et de son équipe. En mars 2025, leur appel aux dons en mémoire de Polyvia Nashanapa Mulomba a mobilisé étudiants, enseignants et partenaires. « L’université ne doit pas rester une tour d’ivoire », insiste un membre du comité de gestion. Un credo matérialisé par cette collaboration avec Caritas, structure historique de l’Église locale.
L’Abbé Jean-Pierre Mudiayi, curé de la paroisse Saint Michel de Katanda, résume l’impact de ce partenariat : « Ces femmes étaient invisibles. Aujourd’hui, elles retrouvent leur dignité grâce à des actes concrets. » Des mots qui résonnent dans une région où les cicatrices des conflits tribaux restent vives. Les querelles foncières, souvent attisées par des intérêts politiques, ont jeté des milliers de familles dans la précarité. Les femmes, premières victimes de ces crises, subissent une double peine : veuves, déplacées, responsables de foyers disloqués.
Cette opération pose cependant une question cruciale : une distribution ponctuelle suffit-elle à reconstruire des vies brisées ? Si les bénéficiaires saluent ce « souffle d’oxygène », beaucoup appellent à des solutions durables. « Le Kasaï a besoin de plus que des sacs de riz. Nous voulons des terres cultivables, des écoles sécurisées », lance une participante sous couvert d’anonymat.
Néanmoins, l’initiative de l’UOM marque un tournant. En transformant sa mission académique en levier social, l’institution ouvre une voie nouvelle. Son implication rappelle que les universités congolaises pourraient jouer un rôle central dans la cohésion nationale. Un modèle à dupliquer ? « C’est notre devoir de répondre aux cris de notre communauté », affirme un enseignant présent à la distribution.
Au-delà des chiffres, cette journée du 18 mai symbolise une lueur d’espoir dans un contexte humanitaire critique. Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA), près de 900 000 personnes nécessitent une aide urgente dans le Grand Kasaï. Face à ce défi, la solidarité communautaire apparaît comme un rempart fragile mais vital.
Reste à savoir si ce geste inspirera d’autres institutions. Alors que la RDC traverse une crise socio-économique profonde, l’action de l’UOM prouve que chaque initiative compte. Mais jusqu’où peut s’étendre la responsabilité sociale des universités ? Et à quel moment l’État doit-il reprendre le flambeau ? Des interrogations qui planent encore sur Katanda, alors que les bénéficiaires repartent, leurs bassins sur la tête, vers un avenir toujours incertain.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd
