La province du Kasaï Oriental tourne une page de son histoire politique. Ce lundi 19 mai 2025, la salle des réunions du gouvernorat à Mbuji-Mayi a servi de cadre à une passation de pouvoir aussi discrète que symbolique entre Jean-Paul Mbwebwa Kapo (UDPS) et son ancien vice-gouverneur Augustin Kayemba Mulemena, promu gouverneur intérimaire. Une transition protocolaire sous haute surveillance sécuritaire, mais marquée par l’absence de discours officiels et le départ express de l’ex-chef de province vers Kinshasa.
Présidée par l’inspecteur général de la territoriale François Eyamba, la cérémonie s’est déroulée sous le strict prisme du télégramme ministériel. Le document du Vice-Premier ministre de l’Intérieur, lu devant le comité provincial de sécurité, aura suffi à sceller le destin politique local. Le procès-verbal de remise-reprise, pièce maîtresse de cette mécanique institutionnelle, officialise un interrègne dont les implications dépassent les simples formalités administratives.
Le bâton de commandement changera-t-il la donne ? La sobriété des échanges entre les deux hommes contraste avec les enjeux sous-jacents. En refusant toute déclaration publique pendant l’acte officiel, Jean-Paul Mbwebwa Kapo a cultivé le mystère sur son avenir immédiat. Mais sa sortie éclair devant la presse provinciale livre quelques clés : « Nous comptons sur la justice », a lancé l’ex-gouverneur, rappelant son appartenance à l’UDPS – parti historiquement lié au combat pour l’État de droit. Un plaidoyer pro domo qui ressemble à un appel du pied à sa base militante.
Cette référence à 37 ans de lutte pour la démocratie sonne-t-elle comme un avertissement aux nouvelles autorités ? L’envol précipité vers Kinshasa du dirigeant limogé alimente toutes les spéculations. Entre quai d’embarquement et palais de la nation, le chemin paraît tracé pour celui qui semble déjà préparer sa contre-offensive politique.
Le gouverneur intérimaire Augustin Kayemba Mulemena hérite quant à lui d’une province sous tension. Sa première épreuve consistera à imposer sa légitimité face aux partisans de l’ancien régime. La gestion des dossiers sensibles – sécurité, gestion des ressources minières, attentes sociales – déterminera si cette transition technique peut évoluer vers une administration pérenne.
Cette passation de pouvoir expéditive interroge sur les méthodes de gouvernance en RDC. Le scénario du Kasaï Oriental, où un vice-gouverneur endosse soudainement le rôle de chef de province, soulève des questions sur l’équilibre des pouvoirs locaux. Une pratique de plus en plus courante qui, selon certains observateurs, transformerait les mandats provinciaux en simples variables d’ajustement politique.
L’épilogue de cette crise institutionnelle se jouera désormais à double niveau. À Mbuji-Mayi, le nouveau gouverneur devra naviguer entre exigences populaires et pressions de Kinshasa. Dans la capitale, le départ de Jean-Paul Mbwebwa Kapo ouvre une séquence politique cruciale pour l’UDPS, alors que s’esquissent déjà les prochaines batailles électorales. Reste à savoir si la justice, invoquée comme arbitre ultime par l’ancien gouverneur, parviendra à apaiser les tensions ou deviendra le théâtre d’un nouveau bras de fer.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd
