Dans un territoire de l’Ituri où l’insécurité a remodelé le quotidien des populations, l’éducation devient un luxe inaccessible. À Kpandroma, localité située à 180 kilomètres de Bunia, des parents d’élèves finalistes du primaire lancent un cri d’alarme : ils demandent au gouvernement congolais une exemption des frais de participation aux épreuves de l’Examen d’État et du TENASOSP 2024. Une requête qui soulève des questions cruciales sur l’accès à l’éducation dans les zones en crise.
« Comment poursuivre une scolarité normale quand la survie quotidienne relève du défi ? », interroge Rachel Tabu, mère de trois enfants finalistes. Comme de nombreuses familles de Djugu, elle décrit une précarité aggravée par des années de conflits armés. Les champs abandonnés, les marchés désertés et les déplacements permanents ont laminé les revenus des ménages. Résultat : trouver les 15 à 20 dollars requis pour les frais d’examen relève de l’impossible pour beaucoup.
La situation sécuritaire volatile – marquée par des combats récurrents entre groupes armés et forces gouvernementales – a entraîné la fermeture de plusieurs établissements scolaires entre Fataki et Djaiba. Dans les écoles encore ouvertes, les effectifs se réduisent comme peau de chagrin. « Sans exemption, le taux de participation des enfants de Djugu sera minime », redoute Daniel Shukuru, porte-parole de la société civile locale. Un avertissement qui résonne comme un constat d’urgence pour le système éducatif congolais.
Derrière ces appels à l’aide se profile une réalité plus large : l’insécurité éducationnelle devient un multiplicateur de vulnérabilités. Privés de récoltes et d’activités commerciales, les parents ne peuvent plus assumer les frais scolaires de base, sans parler des coûts liés aux examens officiels. « Nous vivons au taux du jour », résume un notable présent à la réunion de Kpandroma, soulignant l’effet domino des violences sur tous les aspects de la vie sociale.
Cette crise interroge les mécanismes de solidarité nationale face aux territoires en détresse. Alors que le TENASOSP 2024 approche, les acteurs locaux plaident pour une approche différenciée : « L’État doit tenir compte de notre spécificité contextuelle », insiste un enseignant sous couvert d’anonymat. Certains suggèrent un fonds d’urgence éducationnel, d’autres une collaboration accrue avec les ONG présentes dans la zone.
La balle semble désormais dans le camp des autorités provinciales et nationales. Entre nécessité budgétaire et impératif d’équité, le dossier des frais scolaires en Ituri pourrait devenir un test pour la politique éducative congolaise. Car derrière les statistiques des taux de réussite, c’est toute une génération qui risque de basculer dans l’illettrisme – rançon amère d’une guerre dont les enfants paient le prix fort.
Article Ecrit par Yvan Ilunga
Source: radiookapi.net