La Chambre basse du Parlement congolais s’apprête à vivre un moment de vérité. Le député national Joseph Nkoy Wembo vient de lancer une offensive parlementaire inédite contre la gestion de la Caisse Nationale de Sécurité Sociale des Agents Publics (CNSSAP). Dans sa ligne de mire : un dossier d’acquisition immobilière à Gombe qui sent le soufre, avec des soupçons de surfacturation atteignant 30 millions de dollars.
« La transparence n’est pas une option, c’est une obligation légale », assène l’élu de Sankuru dans sa question orale adressée au directeur général Junior Mata. Cette citation cinglante résume l’enjeu d’un débat qui dépasse la simple comptabilité publique. À travers cette interpellation sous forme de coup de semonce, le parlementaire exige des clarifications sur l’utilisation de fonds destinés à la protection sociale des fonctionnaires.
Les chiffres avancés donnent le tournis. Entre les 20 millions de dollars initialement évoqués et les 30 millions dénoncés sur les réseaux sociaux, l’écart nourrit les spéculations. Comment une institution chargée de garantir les retraites peut-elle engager des montants pharaoniques dans l’immobilier de luxe ? La question, lancinante, traverse les couloirs de l’Assemblée nationale comme un courant d’air frais dans un espace confiné.
Le cœur du litige réside dans une triangulation opaque entre fonds publics, acquisitions immobilières et gestion d’établissement parapublic. La CNSSAP, théoriquement garante de la sécurité sociale des agents de l’État, semble avoir troqué son rôle social contre des ambitions spéculatives. Une dérive que le député Sankuru qualifie de « détournement d’objectifs institutionnels » dans son réquisitoire parlementaire.
La réaction du directeur général Junior Mata se fait attendre. Son silence pèse comme un aveu implicite dans un pays où les scandales financiers s’enchaînent. Les observateurs notent que cette affaire survient à un moment charnière, alors que le gouvernement tente de restaurer la confiance dans ses institutions financières. Le paradoxe n’échappe à personne : l’organisme censé protéger les fonctionnaires contre les aléas de la vie les expose à un risque systémique par des placements hasardeux.
Derrière les chiffres astronomiques, c’est toute la mécanique de contrôle des fonds publics qui se trouve mise en cause. La question parlementaire soulève un lièvre plus grand : existe-t-il un dispositif efficace pour empêcher la dilapidation des caisses sociales ? Les récentes réformes de gouvernance économique semblent ici montrer leurs limites.
L’onde de choc dépasse les frontières du quartier huppé de Gombe. Ce scandale immobilier pourrait bien devenir le symbole d’une gestion publique à deux vitesses. D’un côté, des fonctionnaires peinant à percevoir leurs indemnités. De l’autre, des investissements immobiliers opaques qui fleurent bon les combines d’appareils. Un cocktail explosif à l’approche des prochains scrutins.
La balle est désormais dans le camp de la majorité présidentielle. Acceptera-t-elle un vrai débat contradictoire ou minimisera-t-elle ces accusations gênantes ? La crédibilité du Parlement se jouera dans sa capacité à tirer cette affaire au clair. Reste à savoir si cette question orale sera le prélude à une commission d’enquête ou… à un enterrement de première classe.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd