« Si ce pont lâche, ce sera la catastrophe totale pour nos populations. » L’avertissement glaçant de Nico Ngenze, administrateur du territoire de Tshikapa, résonne comme un cri d’alarme dans une région déjà éprouvée. Le pont Loange, artère vitale reliant les provinces du Kwilu et du Kasaï, menace de s’effondrer après le déluge déchaîné par la rivière Tobi. Les inondations ont rongé les berges, laissant cette infrastructure clé suspendue au-dessus du vide.
Depuis jeudi 15 mai, le spectre d’une rupture totale hante les riverains. « Le courant a emporté une partie de la route d’accès, les piliers tremblent à chaque camion qui passe », témoigne Julienne Mbundu, commerçante bloquée avec sa marchandise de manioc. Comme elle, des centaines de transporteurs improvisent des prières collectives avant de s’engager sur l’ouvrage fissuré.
Une bombe à retardement économique
Que deviendront ces milliers de familles dépendantes du trafic routier Bandundu-Kasaï ? Chaque jour, ce pont supporte le passage de 150 poids lourds transportant minerais, denrées agricoles et produits manufacturés. Sa fermeture plongerait les marchés de Kikwit et Tshikapa dans une pénurie dramatique. « Les prix du sucre et de l’huile ont déjà grimpé de 30% par peur du blocus », s’indigne un responsable de la société civile locale.
« Sans intervention d’urgence, nous assistons à un arrêt cardiaque de l’économie régionale »
Michel Cyala, ingénieur en génie civil, alerte sur l’ampleur des dégâts : « L’érosion accélérée par les inondations Tobi RDC a créé des failles structurelles irréversibles. Une simple crue supplémentaire pourrait tout emporter. »
Le Kwilu au bord de l’asphyxie
Cette crise infrastructurelle Kwilu illustre un malaise plus profond. Comment expliquer qu’un ouvrage stratégique n’ait bénéficié d’aucun entretien depuis sa construction en 1987 ? Les collectivités locales dénoncent un « abandon systématique » des infrastructures de dessertes rurales. « Nous alertons depuis 2019 sur l’état des culées », rappelle un technicien territorial sous couvert d’anonymat.
Pendant ce temps, les alternatives coûtent cher. Le bac de Kakenge, unique solution de contournement, affiche des files d’attente de 72 heures. « J’ai perdu 4 poulets étouffés dans la chaleur », se lamente un éleveur, montrant les cadavres d’envolailles dans sa remorque.
Urgence pont Kasaï : la course contre la montre
Face à l’urgence, les autorités provinciales promettent des « mesures immédiates ». Mais sur le terrain, aucun chantier de consolidation n’a démarré. « Nous manquons de béton et d’acier », justifie un responsable des travaux publics, tandis que des habitants commencent à évacuer leurs maisons proches du pont.
Cette tragédie annoncée pose une question cruciale : jusqu’à quand la RDC continuera-t-elle de négliger ses infrastructures vitales ? Alors que Kinshasa inaugure de grands projets, des milliers de Congolais risquent chaque jour leur vie sur des ponts fantômes. Le drame du Loange sonne-t-il le réveil des consciences ?
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd
