La Cour constitutionnelle de la République démocratique du Congo se trouve désormais saisie d’un recours introduit par Jean Paul Mbwebwa Kapo, gouverneur déchu du Kasaï-Oriental. Cette démarche juridique, confirmée par un récépissé du greffe daté du 15 mai 2025, intervient deux jours après sa mise en accusation par l’Assemblée provinciale pour détournement de fonds destinés à la relance de la MIBA. Le dossier, explosif, oppose désormais l’exécutif provincial à sa majorité parlementaire dans une bataille aux implications politiques et juridiques majeures.
Dans son pourvoi, l’ancien gouverneur dénonce une série d’irrégularités procedurales. Selon ses conclusions, la résolution adoptée le 13 mai par les députés provinciaux violerait « les droits fondamentaux et les règles de procédure parlementaire ». Une argumentation qui s’appuie notamment sur l’article 104 de la Constitution congolaise, encadrant strictement les conditions de mise en accusation des gouverneurs. La requête demande ni plus ni moins l’annulation pure et simple de la décision, qualifiée de « manoeuvre politique déguisée en acte juridique ».
Les bancs de l’Assemblée provinciale répliquent par la voix de son président : « Toutes les dispositions légales ont été scrupuleusement respectées », affirme-t-on dans un communiqué officiel. Les élus maintiennent que le dossier financier impliquant près de 2,5 millions de dollars – montant présumé détourné sur le fonds MIBA – justifie amplement la procédure engagée. Pourtant, les soutiens du gouverneur, dont des cadres de l’UDPS, parti majoritaire dans la province, dénoncent une « cabale orchestrée par des intérêts locaux hostiles au programme de développement provincial ».
Au cœur du litige : l’interprétation contradictoire des articles 198 et 201 du Règlement intérieur de l’Assemblée provinciale. Le premier exige une commission spéciale d’enquête, tandis que le second prévoit un délai de quinze jours pour la saisine de la Cour constitutionnelle. Or, selon les avocats du gouverneur, aucun rapport d’enquête parlementaire n’aurait été produit avant le vote, rendant la procédure « nulle de plein droit ».
La haute juridiction dispose désormais d’un délai imprécis – pouvant varier de quelques jours à plusieurs semaines – pour se prononcer sur la recevabilité du recours. Si la Cour valide les arguments du gouverneur, la résolution de mise en accusation serait annulée, permettant à ce dernier de retrouver ses fonctions. Dans le cas contraire, la procédure de destitution définitive pourrait être enclenchée, conformément à l’article 105 de la Constitution.
Cette affaire dépasse le simple cadre provincial. Elle pose une question cruciale : jusqu’où peut s’étendre le contrôle parlementaire sur l’exécutif local sans empiéter sur les prérogatives judiciaires ? Les observateurs politiques s’interrogent également sur les répercussions nationales de ce dossier, alors que l’UDPS, parti présidentiel, apparaît divisé sur la ligne à suivre dans cette région stratégique.
La décision attendue de la Cour constitutionnelle marquera sans doute un tournant dans l’équilibre des pouvoirs en RDC. Elle pourrait surtout établir un précédent jurisprudentiel encadrant les futures mises en accusation des gouverneurs, ces derniers jouissant jusqu’ici d’une relative immunité politique. L’enjeu dépasse la personne de Mbwebwa Kapo : c’est tout le système de reddition des comptes locaux qui se trouve aujourd’hui sur la sellette.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: Actualite.cd