Alors que les arènes politiques africaines bruissent de tensions institutionnelles, deux figures féminines émergent avec force dans des dossiers sensibles. En République Démocratique du Congo, Francine Muyumba s’impose en gardienne intransigeante de la légalité face à la procédure visant Joseph Kabila. Simultanément, au Gabon, la libération de Sylvia Bongo interroge les équilibres fragiles de la transition politique en cours. Deux scénarios distincts, mais un même fil rouge : l’influence grandissante des femmes dans les enjeux de pouvoir en Afrique.
RDC : Le bras de fer juridique de Francine Muyumba
Le débat sur la levée d’immunité de l’ancien président congolais prend des allures de test démocratique. « Le Sénat outrepasse ses compétences », tonne l’ex-sénatrice dans une charge argumentée qui fait trembler les couloirs du Palais du Peuple. Sa cible ? Une procédure qu’elle juge « juridiquement bancale », puisque les immunités présidentielles – contrairement aux immunités parlementaires – relèvent de dispositions constitutionnelles spécifiques.
Son intervention sur X (ex-Twitter) ressemble à un cours de droit public : « L’article 105 de la Constitution ne prévoit aucune procédure de levée pour un ancien chef de l’État ». Une position qui place ses anciens collègues sénateurs dans l’embarras, alors que les suspicions autour de l’AFC continuent d’alimenter les spéculations. Et si cette initiative masquait en réalité une volonté de déstabilisation politique ? La question plane comme une épée de Damoclès sur une majorité déjà fragilisée.
Gabon : La libération calculée de Sylvia Bongo
À Libreville, la remise en liberté de l’ex-première dame survient dans un contexte de normalisation à géométrie variable. Après 580 jours de détention, son assignation à résidence ressemble moins à une grâce qu’à un ajustement tactique. Le régime du général Oligui Nguema y trouverait-il son compte ? « Une manière d’apaiser les partenaires internationaux tout maintenant le contrôle », analyse un diplomate sous couvert d’anonymat.
Cette décision intervient surtout après la médiation angolaise – détail révélateur des nouvelles configurations régionales. Le président João Lourenço réussirait-il là où d’autres ont échoué ? Reste que le dossier Bongo continue de peser sur la transition gabonaise, entre exigences de justice et nécessité de réconciliation nationale.
Le pouvoir au féminin : Nouvelle donne continentale ?
Qu’elles agissent par le verbe comme Muyumba ou incarnent les soubresauts d’un régime comme Bongo, ces femmes réécrivent les codes du leadership politique africain. Leur visibilité croissante interroge : assiste-t-on à l’émergence d’une diplomatie féminine capable de désamorcer les crises ?
En RDC comme au Gabon, leur parcours souligne surtout les paradoxes des transitions africaines. Entre respect formel des procédures et realpolitik, entre justice transitionnelle et préservation des équilibres, leur rôle dépasse souvent le cadre symbolique. Preuve que les femmes de pouvoir ne se contentent plus d’être des figurantes dans le théâtre politique continental.
Reste à savoir si cette influence naissante saura transformer les structures de gouvernance elles-mêmes – ou si elle ne constituera qu’un épiphénomène dans des systèmes encore profondément patriarcaux. La réponse se jouera peut-être dans les prochains actes de ces drames institutionnels où, décidément, les Africaines prennent de plus en plus la parole.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd