Une étude percutante de l’Institut Ebuteli, publiée ce vendredi 16 mai à Kinshasa, jette une lumière crue sur la montée en puissance des milices « Wazelendo » dans l’est de la République démocratique du Congo. Ces groupes, présentés comme des alliés des FARDC contre le M23 et l’armée rwandaise, seraient en réalité une bombe à retardement politique selon les chercheurs.
Le rapport démontre comment cette externalisation de la violence s’inscrit dans une stratégie régionale ancienne. Face à une armée nationale jugée « surdimensionnée mais inefficace », Kinshasa aurait systématiquement délégué la contre-insurrection à des acteurs divers : forces burundaises, rebelles FDLR, sociétés militaires privées et ces milices locales. Un choix aux conséquences lourdes.
Qui sont réellement ces « patriotes » ? L’analyse révèle que la majorité des groupes labellisés Wazelendo existaient bien avant le conflit actuel. Leurs motivations mêlent nationalisme, opportunisme financier et recherche d’impunité. Certains se sont même combattus par le passé. « Cette labellisation patriotique permet surtout de blanchir d’anciens criminels de guerre », souligne un passage-choc du document.
Les conséquences ? Une militarisation accrue de la société congolaise selon Ebuteli. Le phénomène aggraverait la crise humanitaire dans l’Est du pays, tout en compliquant toute résolution durable du conflit. Pire : il créerait des précédents dangereux pour l’après-guerre. Comment désarmer ces milices une fois le M23 vaincu ? Quelle place leur accorder dans l’appareil d’État ?
Le rapport pointe un paradoxe explosif. Alors que les Wazelendo sont présentés comme une solution sécuritaire temporaire, leur institutionalisation progressive via des intégrations dans l’armée nationale risquerait d’enraciner leur influence. Un scénario qui rappelle funestement la création passée des Mai-Mai, aujourd’hui incontrôlables.
En filigrane, Ebuteli dénonce l’échec des réformes sécuritaires. La solution ? Un remodelage urgent de l’appareil étatique congolais et de sa doctrine militaire. Les chercheurs plaident pour un recentrage des FARDC sur leur mission régalienne, couplé à une démobilisation progressive des milices. Un vœu pieux dans un contexte où les groupes armés génèrent toujours plus de profits politiques et économiques.
Cette analyse intervient alors que les violences dans le Nord-Kivu atteignent un nouveau pic. Avec plus de 7 millions de déplacés selon l’ONU, la crise humanitaire en RDC pourrait basculer dans l’irréversible si rien ne change. Le rapport sonne comme un ultime avertissement : la militarisation de la société congolaise hypothèque l’avenir du pays tout entier.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: radiookapi.net