Lors de la conférence ministérielle des Nations Unies sur les Opérations de paix à Berlin, le ministre malien des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop, a lancé un pavé dans la mare en appelant à une refonte profonde des mécanismes onusiens de maintien de la paix en Afrique. Une critique cinglante nourrie par l’expérience malienne, où la mission MINUSMA a plié bagages en 2023 après dix ans d’une présence controversée.
« Comment justifier l’envoi de casques bleus dans des zones où il n’y a pas de paix à maintenir ? » interroge le ministre, pointant du doigt l’inadéquation des mandats face aux réalités de guerres asymétriques. Le Mali, confronté à des groupes jihadistes mobiles, a vu ses populations exaspérées par l’immobilisme des forces onusiennes lors de massacres. « Des soldats restaient spectateurs sous prétexte que cela ne relevait pas de leur mandat », déplore Diop, soulignant un cruel décalage entre les attentes locales et les priorités des missions.
Au cœur des propositions maliennes : quatre piliers pour une réforme. D’abord, l’adaptation des doctrines aux spécificités terrain – loin des modèles standardisés. Ensuite, le respect sacro-saint de la souveraineté des États hôtes, mis à mal selon Bamako par des « pratiques paternalistes » comme la règle du porte-plume dans l’adoption des résolutions. Troisième axe : une concertation permanente avec les gouvernements nationaux, antidote à la « substitution parfois arrogante » des missions aux autorités locales. Enfin, un garde-fou contre l’instrumentalisation politique des droits humains, épine dorsale du contentieux entre l’ONU et le Mali.
Les chiffres avancés par le ministre donnent le vertige : 1,3 milliard de dollars annuels alloués à la MINUSMA, contre des « miettes » pour le renforcement des forces maliennes. Un paradoxe financier qui interroge sur la soutenabilité des modèles actuels. « À quoi bon déployer des missions coûteuses si elles ne bâtissent pas les capacités nationales ? » questionne Diop, plaidant pour un recentrage sur le transfert de compétences plutôt que des présences prolongées.
Cette charge intervient dans un contexte africain de défiance croissante envers les missions onusiennes. Le retrait simultané du Mali, de la Centrafrique et de la RDC du dispositif onusien sonne comme un avertissement. Les experts y voient l’émergence d’un nouveau paradigme sécuritaire, où les États revendiquent leur leadership face à des approches perçues comme néocoloniales. Pour le politologue congolais Jean-Claude Mputu, « l’ère des missions imposées est révolue. L’ONU doit choisir : adapter ses méthodes ou voir ses contingents devenir des armées d’occupation malgré eux ».
Reste que les propositions maliennes trouvent un écho au sein de certains cercles onusiens. Le secrétaire général adjoint aux opérations de paix, Jean-Pierre Lacroix, reconnaît « la nécessité d’une meilleure articulation avec les priorités nationales ». Preuve que le vent tourne : Berlin a annoncé le lancement d’un groupe de travail pour repenser les mandats sous l’angle de la flexibilité. Un premier pas timide face à l’urgence d’une réforme structurelle que les pays du Sahel appellent de leurs vœux.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: mediacongo.net