Dans l’enceinte feutrée du Centre Wallonie-Bruxelles de Kinshasa, ce mercredi 15 mai, l’air vibrait d’une tension créatrice. Les murmures s’éteignirent lorsque Godefroy Mwanabwato, silhouette élégante et voix posée, prit place devant une assemblée captivée. Son roman, La Maison de Merveilles, publié le 14 mars dernier, recevait enfin son baptême littéraire. Un moment où l’encre des pages sembla se mêler aux souvenirs d’une histoire congolaise tumultueuse.
Entre les murs chargés de symboles, le sénateur Jean Bamanisa, originaire de Kisangani comme l’auteur, incarnait un pont vivant entre les époques. « Il porte en lui cette année cruciale de 1964, où le sol du Congo tremblait sous les fracas des rébellions », souffla Mwanabwato, évoquant avec une gravité poétique cette période sombre qui irrigue son récit. Le roman, loin de se réduire à un hommage architectural à Zanzibar, se déploie comme une cartographie des cicatrices et des fiertés africaines. Les « merveilles » y dansent entre métaphore et réalité : sont-elles ces minerais convoités, ces danses oubliées du Maniema, ou ces combats héroïques étouffés par les silences de l’Histoire ?
La voix de l’auteur, teintée d’une nostalgie militante, raconta une enfance bercée par les ondes radiophoniques au cœur du Maniema. « Mon grand-père m’apprenait à écouter le monde. Je devenais un griot moderne, transformant les nouvelles en contes pour mes camarades », confia-t-il, dévoilant l’origine de sa vocation : transformer le réel en récit, même lorsque celui-ci brûle. Le swahili de Zanzibar, ses rues imprégnées d’océan et de révoltes, aurait pu être la langue de ce roman. Mais le français, héritage ambivalent, s’imposa comme un champ de bataille linguistique – celui où se joue la réappropriation d’une mémoire fragmentée.
Juriste de formation, Mwanabwato cisèle une prose où le droit dialogue avec la poésie. Son deuxième ouvrage, plus ambitieux, entrelace les rébellions post-indépendance aux fantômes de la traite négrière. « Chaque mot est un procès contre l’oubli », semblent chuchoter ses pages. La salle, empreinte d’une émotion collective, percevait-elle que ce vernissage dépassait la littérature ? Il s’agissait d’une cérémonie de résurrection : celle des voix étouffées en 1964, des rêves ensevelis sous les conflits de l’Est congolais.
Quand un écrivain convoque l’Histoire, ne devient-il pas architecte de mémoires ? La Maison de Merveilles, tel un miroir kaléidoscopique, renvoie au Congo ses propres lumières et fractures. À travers son titre en apparence énigmatique, l’œuvre pose une question brûlante : et si les vraies merveilles n’étaient pas ces trésors pillés, mais la capacité d’un peuple à écrire sa propre légende ?
Article Ecrit par Yvan Ilunga
Source: Actualite.cd
