La rébellion du M23, qui contrôle la ville de Goma depuis plusieurs mois, vient de dévoiler un nouveau dispositif fiscal qui suscite vagues de critiques et inquiétudes. Une taxe d’assainissement, variant entre 5 000 et 600 000 francs congolais mensuels, frappe désormais 66 secteurs d’activités dans la commune de Karisimbi. Une décision qui, sous couvert de salubrité publique, révèle les tensions économiques et politiques d’une région en proie à l’instabilité.
Selon le barème publié le 8 mai, les établissements bancaires, hôtels cinq étoiles et entreprises publiques sont soumis à un prélèvement de 600 000 FC. Les centres de santé et universités, quant à eux, devront s’acquitter de 300 000 FC. À l’autre extrémité de l’échelle, les kiosques et salons de coiffure modestes ne sont pas épargnés, avec une redevance de 5 000 FC. « Comment justifier de tels écarts pour un service qui, en réalité, reste invisible sur le terrain ? », s’interroge un gérant d’hôtel sous couvert d’anonymat.
L’ordonnance-loi n°18/004/2018, pourtant citée en référence, prévoit une taxation des ménages pour l’évacuation des ordures. Or, cette mesure cible exclusivement les opérateurs économiques, créant un précédent juridique trouble. « C’est un détournement pur et simple du cadre légal », dénonce un avocat spécialisé en fiscalité locale. Le M23 joue-t-il un double jeu : assoir son autorité tout en renflouant ses caisses ?
La grogne monte parmi les commerçants, déjà étranglés par la crise économique au Nord-Kivu. Un propriétaire de supérette lance, amer : « Avec l’insécurité, nos ventes ont chuté de 40%. Cette taxe, c’est la corde au cou. » Les réunions clandestines se multiplient pour organiser une résistance, mais la crainte des représailles freine les ardeurs.
En imposant cette fiscalité parallèle, le M23 tente de légitimer son emprise sur Goma. Mais à quel prix ? Si les recettes devraient théoriquement financer la collecte des déchets, aucun plan d’action concret n’a été communiqué. Entre stratégie de gouvernance factice et instrumentalisation économique, la rébellion risque de creuser son propre piège. Les prochains mois diront si cette mesure deviendra un outil de stabilisation… ou une étincelle de plus dans un baril de poudre social.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
