À Kinshasa, l’Avenue du Tourisme, surnommée « Nzela ya mayi », incarne le calvaire quotidien de milliers de citoyens. Chaque averse transforme cet axe stratégique de Ngaliema en un champ de bataille boueux, où glissements de terrain et embouteillons monstres défient la résilience des habitants. « Après la pluie, c’est la course contre la montre pour déblayer les pierres. Mais dès la prochaine intempérie, tout recommence », témoigne Chekina Ruvugo, habitante exaspérée.
Les conséquences sont palpables : trajets prolongés, coûts de transport en hausse, et risques permanents pour les piétons. Pourtant, les engins de travaux publics ne font que déplacer le problème, laissant les débris en bordure de chaussée. Une solution éphémère qui questionne la gestion des infrastructures en RDC. Pourquoi des routes vitales restent-elles abandonnées à leur sort ?
Une construction minée par des choix techniques controversés
Michel Uyumbu, président de la Corporation nationale des ingénieurs en BTP, pointe une erreur fondamentale : « L’absence de talus stabilisateurs a transformé cette avenue en passoire. Comment a-t-on pu ignorer les risques d’érosion dans un pays aux pluies torrentielles ? ». Selon lui, l’omission des systèmes de drainage et de consolidation des sols lors de la construction condamnait d’avance l’ouvrage.
Ce diagnostic révèle une réalité plus sombre : des projets d’infrastructure souvent réalisés au mépris des normes techniques. Les glissements de terrain à Kinshasa ne sont pas une fatalité, mais le résultat de décisions opaques. À qui profite cette négligence chronique ?
Ngaliema, miroir des défis nationaux
La dégradation des routes à Ngaliema n’est qu’un épisode de la crise systémique des travaux publics en RDC. Chaque année, des milliards de francs congolais s’évaporent dans des chantiers inachevés ou mal conçus. Les habitants, eux, paient le prix fort : économie locale paralysée, accès aux services de base compromis, et sentiment croissant d’abandon.
« Quand les camions restent bloqués des heures, les marchandises pourrissent, les prix flambent », déplore un commerçant du quartier. Une spirale infernale qui alimente la pauvreté dans une commune pourtant située à quelques kilomètres du centre-ville.
Urgence d’une réponse structurelle
Les solutions existent, martèle l’ingénieur Uyumbu : traitement des talus, canaux de drainage intégrés, et surtout, contrôle rigoureux des chantiers. Mais leur mise en œuvre bute sur l’ombre de la corruption et le manque de volonté politique. Combien de vies faudra-t-il sacrifier avant que les problèmes d’infrastructure en RDC ne deviennent une priorité ?
En attendant, les Kinois retiennent leur souffle à chaque saison des pluies. L’Avenue du Tourisme, symbole d’un tourisme potentiel, est devenue le théâtre d’une lutte quotidienne pour la dignité. Jusqu’à quand la population devra-t-elle composer avec ces bombes à retardement urbaines ?
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net