Dans une opération de contrôle inédite au port Dokolo de Kisangani, l’Office National des Produits Agricoles du Congo (ONAPAC) a mis au jour un scandale sanitaire et économique : la saisie de 70 sacs de café falsifié, prêts à être commercialisés. Cette découverte, réalisée ce mercredi 14 mai 2025, révèle une pratique frauduleuse alarmante dans la filière café de la Tshopo, secteur pourtant vital pour l’économie locale.
Les analyses des inspecteurs de l’ONAPAC Tshopo ont démontré que ces sacs contenaient un mélange toxique : 70% de déchets (écorces brûlées, soja et morceaux de tissus carbonisés) contre seulement 30% de café. Une falsification orchestrée pour tromper visuellement grâce à l’ajout de vêtements incinérés, donnant une coloration noire trompeuse au produit. « Ces torréfacteurs transforment des déchets en poison. La population consomme un faux café aux conséquences imprévisibles sur la santé », dénonce l’ingénieur Blaise Lutala, directeur provincial de l’ONAPAC Tshopo.
Comment un tel trafic a-t-il pu échapper aux contrôles jusqu’à Kisangani ? La réponse se niche dans un maillon faible de la chaîne logistique. La cargaison, en provenance de Bumba (province de la Mongala), avait déjà parcouru plus de 400 km sur le fleuve Congo avant d’être interceptée in extremis lors de son déchargement. Une alerte lancée par l’antenne ONAPAC de Bumba, preuve que le réseau frauduleux opère sur plusieurs territoires.
Au-delà du risque sanitaire, cette fraude ébranle un pilier économique national. Le café congolais, qui contribue à près de 5% du PIB agricole selon la Banque Centrale, voit sa crédibilité internationale menacée par de telles pratiques. Les acteurs honnêtes de la filière redoutent un effet domino : baisse des prix à l’exportation, perte de confiance des acheteurs, sanctions douanières…
La réaction des autorités se veut sans équivoque. La ministre provinciale de l’Environnement de la Tshopo promet des « sanctions exemplaires » contre les responsables, actuellement identifiés mais non encore dévoilés. Une procédure judiciaire est en cours sous supervision d’un Officier de Police Judiciaire (OPJ), tandis que l’ONAPAC renforce ses contrôles sur l’ensemble du corridor fluvial Kisangani-Bumba.
Cette affaire soulève une question cruciale : jusqu’où s’étend le réseau de fraude aux produits agricoles en RDC ? Les experts en sécurité alimentaire réclament un audit national des circuits de commercialisation. « Le drame de Kisangani n’est probablement que la partie émergée de l’iceberg », analyse un économiste local sous couvert d’anonymat. Face à l’urgence, l’ONAPAC annonce le déploiement de 15 nouveaux laboratoires mobiles d’ici fin 2025 pour détecter plus rapidement les falsifications.
Alors que la Tshopo produit annuellement plus de 12 000 tonnes de café (chiffres 2024), cette crise pourrait durablement affecter les revenus de 80 000 ménages agricoles. La solution passera par une modernisation des contrôles, mais aussi par une sensibilisation accrue des producteurs aux normes qualité. L’enjeu dépasse la simple fraude : il s’agit de préserver l’avenir d’une filière stratégique dans une région où 60% de la population vit de l’agriculture.
Article Ecrit par Amissi G
Source: Actualite.cd