Ce mercredi 14 mai, les eaux tumultueuses du lac Albert ont une fois de plus rappelé leur dangerosité. Une embarcation transportant vivres et matériaux de construction a chaviré près de Tchomia, en Ituri, transformant une traversée routinière en cauchemar. « Un membre d’équipage s’est noyé, six autres ont survécu grâce aux pêcheurs locaux », témoigne Robert Ndjalonga, coordonnateur de la protection civile en Ituri. Les sacs de pommes de terre gisent désormais au fond du lac, tandis que des planches de tripex flottent encore à la surface, symboles fragiles d’une économie lacustre mise à mal.
Comment en est-on arrivé là ? Les vents violents, fréquents pendant la saison des pluies, ont une fois de plus surpris navigateurs et passagers. Le commissaire lacustre Udari Ucama, joint à Kasenyi, martèle son message : « Le gilet de sauvetage n’est pas un accessoire, c’est une obligation vitale ». Mais sur le terrain, cette consigne semble souvent lettre morte. Les survivants, secourus par des pêcheurs locaux, auraient-ils pu être plus nombreux avec un équipement adapté ?
Derrière ce drame individuel se profile un problème structurel. Le lac Albert, frontière naturelle entre RDC et Ouganda, voit circuler quotidiennement des embarcations souvent surchargées. « Les armateurs priorisent le profit sur la sécurité », déplore un habitant de Tchomia sous couvert d’anonymat. Les alertes météorologiques, lorsqu’elles existent, sont rarement consultées. Robert Ndjalonga insiste : « Les microclimats locaux peuvent transformer une journée ensoleillée en tempête en quelques minutes ».
Cette tragédie soulève des questions cruciales sur la sécurisation des transports lacustres. Alors que les autorités congolaises et ougandaises multiplient les déclarations d’intention, les naufrages se succèdent chaque saison pluvieuse. Entre mesures préventives inappliquées et contrôles lacunaires, le bilan humain et économique ne cesse de s’alourdir. Les pertes matérielles – comme ces tonnes de pommes de terre englouties – affectent directement les populations riveraines déjà vulnérables.
La solution réside-t-elle dans un dispositif binational de surveillance météo ? Dans un renforcement des patrouilles lacustres ? Ou simplement dans une prise de conscience collective ? Alors que le lac Albert continue de relier économiquement les deux pays, sa sécurisation devient un impératif humanitaire et économique. Comme le souligne amèrement un pêcheur de Buguma : « Chaque vie perdue dans ces eaux, c’est un échec de plus pour nous tous ».
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd