La procédure de dissolution du Parti pour la Reconstruction et la Démocratie (PPRD), initiée par le vice-premier ministre Jacquemain Shabani, plonge la scène politique congolaise dans une tourmente aux relents de règlement de comptes. En saisissant le procureur général près la Cour constitutionnelle le 24 avril dernier, le gouvernement accuse le parti de l’ancien président Joseph Kabila de complicité avec la rébellion du M23, active dans le Nord et Sud-Kivu. Une accusation qui, au-delà des aspects juridiques, révèle les fractures d’un pouvoir en quête de légitimité.
Sur quels fondements repose cette demande de dissolution ? Le VPM Shabani invoque des « preuves tangibles » : la présence d’anciens cadres du PPRD dans les rangs du M23, les déclarations provocatrices d’Aubin Minaku appelant à des « actions ouvertes », et surtout, la visite controversée de Joseph Kabila à Goma – zone sous contrôle rebelle – annoncée puis démentie. Ces éléments, selon l’exécutif, violent l’article 5 de la loi sur les anciens chefs de l’État, exigeant « réserve » et « loyauté ».
« Le PPRD a franchi la ligne rouge en pactisant avec l’ennemi », assène un proche du cabinet de Tshisekedi sous couvert d’anonymat. Mais cette offensive juridique ne masque-t-elle pas une stratégie plus large ? En ciblant directement Kabila – « sénateur à vie » et figure incontournable –, le pouvoir actuel tente manifestement d’éteindre l’influence persistante d’un rival encombrant. La référence aux déclarations du Sunday Times, où Kabila relativisait les exactions du M23, sert habilement à forger une narration de trahison nationale.
Du côté du PPRD, la contre-attaque s’organise. La coordination diaspora dénonce une « machination antidatée » et clame son recours en justice. « Cette dissolution serait un coup fatal à la démocratie », tonne un communiqué, soulignant l’absence de condamnation formelle par les instances judiciaires. Un argument qui trouve écho chez certains observateurs : la procédure, bien que légale, s’apparente à un exercice politique à haut risque.
L’ombre du M23 plane sur ce dossier comme un spectre. En liant explicitement le PPRD à la rébellion armée, le gouvernement joue la carte de l’unité nationale contre « l’agresseur étranger ». Mais cette stratégie pourrait se retourner contre ses artisans. Les récentes suspensions d’activités du parti, suivies de leur réactivation, trahissent une certaine improvisation. Et si la Cour constitutionnelle rejetait la demande, ce serait un camouflet cinglant pour Tshisekedi.
Au-delà des batailles juridiques, cet épisode cristallise les tensions d’une transition inachevée. Le retour fantasmé de Kabila par l’Est du pays – véritable pied de nez géopolitique – rappelle que les blessures des alternances congolaises restent à vif. La suite dépendra de la capacité des institutions à incarner une justice impartiale, loin des calculs de Kinshasa. En attendant, le PPRD, dos au mur, devient malgré lui le symbole d’une crise politique où chaque camp instrumentalise légalité et patriotisme.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd