Dans le territoire de Beni, au Nord-Kivu, l’insécurité chronique transforme le quotidien des infirmiers en un parcours semé d’embûches. Archipe Kyusa, superviseur chargé de la surveillance épidémiologique dans la zone de santé d’Oicha, alerte sur une réalité glaçante : les attaques armées, les pillages et les meurtres ciblant le personnel soignant paralysent progressivement l’accès aux soins. « Nos structures sont parfois incendiées, le matériel volé… On tue même ceux qui portent secours », déplore-t-il. Une situation qui rappelle cruellement l’urgence de protéger ces acteurs clés de la santé publique.
Comment assurer des consultations prénatales ou vacciner des enfants lorsque les centres de santé ferment massivement ? La zone d’Oicha, épicentre de multiples conflits armés, illustre ce dilemme. Près de 40% des infrastructures médicales y seraient inaccessibles selon des sources locales. Les conséquences sont tangibles : suivi des épidémies interrompu, patients chroniques abandonnés, risques de résurgence de maladies comme la rougeole ou Ebola. « Travailler ici, c’est comme courir un marathon avec des menottes », compare un agent de santé sous couvert d’anonymat.
Au-delà des balles, c’est l’étau financier qui étrangle les infirmiers. Avec des primes mensuelles plafonnant à 50$ – quand elles sont payées –, nombreux sont ceux qui cumulent deux emplois. « Comment voulez-vous qu’un soignant concentré sur sa survie économique prodigue des soins optimaux ? », interroge Kyusa. Cette précarité favorise l’exode des compétences vers les ONG internationales, affaiblissant davantage le système public.
La solution ? Kyusa plaide pour un plan d’urgence en trois volets : sécurisation des zones d’intervention via des corridors humanitaires, revalorisation salariale immédiate, et formations continues adaptées aux contextes de crise. « Protéger les soignants, c’est protéger toute une population », insiste-t-il. Un appel relayé par plusieurs organisations locales qui réclament l’intégration de ces mesures dans les stratégies nationales de santé.
En attendant, les infirmiers du Beni continuent leurs rondes à moto entre les check-points, leurs trousses de premiers secours à portée de main. Leur héroïsme quotidien mériterait plus qu’une journée mondiale de commémoration : une action concrète pour que le blanc de leur blouse ne devienne pas un linceul.
Article Ecrit par Amissi G
Source: radiookapi.net