Dans un plaidoyer percutant diffusé lors de l’émission « Face-à-face » de TOP CONGO, Hugues Boole Ndobo, expert en finances publiques, a tiré la sonnette d’alarme sur une faille structurelle de l’économie congolaise : l’absence criante de banques nationales contrôlées par des capitaux locaux. Selon lui, cette lacune explique en partie le taux de chômage élevé des jeunes à Kinshasa – estimé à 67% par la Banque centrale – et entrave toute perspective de développement économique durable.
« Comment prétendre soutenir l’entrepreneuriat local quand 85% des crédits bancaires en RDC sont octroyés par des filiales étrangères ? », interroge le président du Mouvement citoyen éclairé (MCE). Les chiffres officiels confirment cette domination : sur les 18 banques opérant dans le pays, seules trois affichent une participation majoritaire congolaise, selon un rapport récent de la COBAC.
La proposition phare de Boole repose sur un triple dispositif bancaire. D’abord, des banques commerciales pour fluidifier la consommation des ménages – secteur qui pèse pourtant 45% du PIB selon la Banque mondiale. Ensuite, des banques d’investissement destinées à accompagner les PME, aujourd’hui tributaires de taux d’intérêt prohibitifs atteignant 18% en moyenne. Enfin, un réseau de crédit agricole qui comblerait un manque crucial : actuellement, moins de 2% des prêts bancaires sont alloués au secteur primaire, pourtant vital pour 70% de la population active.
Cette architecture répond à une réalité économique implacable. « Les capitaux étrangers dominent 78% du secteur bancaire congolais », précise Boole, soulignant un paradoxe : alors que la RDC dispose d’un potentiel minier estimé à 24 000 milliards de dollars, ses ressources financières s’évaporent via le remboursement des crédits aux maisons mères étrangères. Conséquence directe : un taux de bancarisation stagnant à 12%, l’un des plus bas d’Afrique subsaharienne.
Le secteur agricole cristallise ces contradictions. Avec seulement 10 millions d’hectares cultivés sur 80 millions de terres arables, la RDC importe pour 1,5 milliard de dollars de denrées alimentaires annuellement. « Une banque spécialisée pourrait inverser cette tendance en finançant la mécanisation et les circuits de transformation », argue l’expert. Selon ses projections, chaque milliard de dollars investi dans l’agro-industrie créerait 50 000 emplois directs, principalement pour les jeunes.
Mais ce projet ambitieux se heurte à des défis de taille. La capitalisation totale du secteur bancaire congolais ne dépasse pas 2 milliards de dollars – à comparer aux 15 milliards du Kenya voisin. Pour Boole, la solution passe par une mobilisation des capitaux nationaux : « Le fonds souverain pourrait garantir les premiers risques, tandis qu’une fiscalité incitative attirerait l’épargne de la diaspora, estimée à 400 millions de dollars par an ».
Si cette réforme bancaire venait à se concrétiser, elle pourrait constituer le ferment d’une nouvelle dynamique économique. Mais son succès dépendra de la capacité des autorités à conjuguer régulation stricte et attractivité pour les investisseurs locaux. Un équilibre délicat, mais indispensable pour sortir le pays de sa dépendance financière chronique.
Article Ecrit par Amissi G
Source: mediacongo.net