Dans le territoire d’Idiofa, province du Kwilu, l’espoir renaît timidement au rythme du bourdonnement des machines. Les travaux d’électrification, suspendus pendant des mois, ont enfin repris autour du barrage de Kakobola. Sur le terrain, des équipes s’affairent à installer des câbles basse tension, ériger des poteaux et préparer les cabines électriques. « Ils sont en train de placer les câbles, et une autre équipe continue à ériger les poteaux », confirme Arsène Kasiama, coordonnateur de la nouvelle société civile locale. Mais derrière ce redémarrage, une question brûlante persiste : cette fois-ci, les promesses seront-elles tenues jusqu’au bout ?
La ligne de distribution déjà tirée sur 36 kilomètres dans le chef-lieu du territoire marque un progrès tangible. Pourtant, le chantier reste fragile. La sous-station de Musanga, cœur technique du projet, voit renaître une activité soutenue, tandis que les habitants observent, entre soulagement et méfiance. « Nous gardons un œil vigilant, avec l’espoir que cela aboutira », lance M. Kasiama, dont les mots traduisent un sentiment partagé par nombre de citoyens.
L’histoire récente du projet explique cette prudence. Interrompu à plusieurs reprises faute de paiement des contractants, le chantier a laissé des cicatrices. En 2024, l’arrêt brutal causé par les 20 mois d’arriérés salariaux des agents de coordination avait cristallisé les frustrations. Un paradoxe cruel pour une région où seulement 16% de la population a accès à l’électricité, selon les chiffres officiels. Comment expliquer que des villes comme Kikwit et Gungu aient vu des avancées, tandis qu’Idiofa stagnait ?
La société civile locale, tout en saluant la reprise, reste sur le qui-vive. « Nous interpellons notre gouvernement : qu’il mette la société dans les conditions nécessaires pour terminer ces travaux », insiste le coordonnateur. Un appel qui résonne comme un ultimatum dans une province où les projets inachevés nourrissent le cynisme populaire. L’électrification n’est pas qu’une question technique : elle incarne la promesse d’un développement économique inclusif, notamment pour l’agriculture et les petites entreprises locales.
Les enjeux dépassent largement le territoire d’Idiofa. Ce chantier, partie prenante du vaste projet énergie RDC, pourrait servir de test pour d’autres initiatives similaires dans le pays. Sa réussite ou son échec enverrait un signal fort sur la capacité de l’État à concrétiser ses engagements. Avec seulement 48% de taux d’accès national à l’électricité (Banque Mondiale, 2023), chaque kilowatt supplémentaire compte doublement.
Reste à savoir si les leçons du passé ont été assimilées. Les travaux Kakobola-Katende, dont dépend l’avenir énergétique de milliers de ménages, peuvent-ils vraiment sortir de ce cycle infernal d’arrêts et redémarrages ? La réponse se joue maintenant sur le terrain, poteau après poteau, câble après câble, sous le regard d’une population déterminée à ne plus servir de figurante dans le théâtre des promesses non tenues.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd