Le silence de la rivière Kibali a été rompu ce samedi matin par des cris d’effroi. À Camp Chauffeur, port animé de Durba, une pirogue surchargée de femmes commerçantes RDC a chaviré sous le regard impuissant des riverains. « Nous avons entendu des appels à l’aide, mais le courant était trop fort », témoigne une habitante, les mains encore tremblantes.
Onze Mamans Bosasele – ces héroïnes du quotidien qui bravent les eaux pour nourrir leurs familles – luttaient contre les flots tumultueux. Si neuf ont pu être repêchées in extremis, deux restent portées disparues, plongeant la communauté dans une attente angoissante. « Combien de vies faudra-t-il sacrifier avant que les autorités agissent ? », interroge amèrement le conseiller villageois Kokiza.
Ce drame souligne une réalité crue : la sécurité fluviale Congo reste un mirage dans cette région minière stratégique. Malgré les promesses répétées – distribution de gilets de sauvetage, recensement des pagayeurs –, les pirogues continuent de naviguer en équilibre précaire. « Les bateaux sont souvent surchargés, mais que voulez-vous ? Nous n’avons pas d’autre moyen pour travailler », confie une rescapée sous couvert d’anonymat.
Les recherches se poursuivent péniblement dans ce Haut-Uele aux infrastructures défaillantes. Sans sonars ni équipements spécialisés, les sauveteurs improvisés fouillent les berges à mains nues. Un paradoxe dans cette province où transitent quotidiennement minerais et marchandises précieuses. Comment expliquer que la vie humaine pèse si peu face aux impératifs économiques ?
Ce naufrage rivière Kibali s’inscrit dans une série noire. Rien qu’en 2024, cinq accidents similaires ont été recensés sur ce même cours d’eau. Pourtant, le plan de sécurisation annoncé en grande pompe en janvier dernier dort dans les tiroirs administratifs. Une inertie mortelle qui révolte les familles des victimes : « On nous parle de développement, mais nous risquons nos vies pour un simple sac de manioc ! »
En filigrane se dessine un enjeu sociétal majeur : la vulnérabilité des femmes rurales congolaises. Ces commerçantes courageuses, piliers de l’économie informelle, sont contraintes de défier quotidiennement les dangers fluviaux par manque d’alternatives. Un cercle vicieux où pauvreté rime avec insécurité permanente.
Alors que le soleil décline sur Durba, une question brûle les lèvres : jusqu’à quand la sécurité fluviale Congo restera-t-elle un vœu pieux dans les zones reculées ? Pour les familles des disparues Durba RDC, chaque minute compte désormais. Mais pour des milliers d’autres Congolaises, c’est tout un système de survie qu’il faut réinventer.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd