Dans un quartier populaire de Masina, Jeanne, mère de trois enfants, serre contre elle un précieux sésame : « Avant, mes jumeaux n’existaient pas administrativement. Aujourd’hui, ils ont enfin un avenir ». Comme elle, des milliers de parents ont vu leur vie basculer grâce au projet pilote de digitalisation de l’état civil porté par l’UNICEF en République Démocratique du Congo. Un espoir concret pour ces enfants longtemps invisibles aux yeux de la nation.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 27 814 actes de naissance délivrés en un an dans cinq communes de la Tshangu. Une révolution administrative rendue possible par la synergie entre le tribunal pour enfants de Kinkole, les structures sanitaires et les partenaires internationaux. Mais comment fonctionne ce dispositif qui redonne une identité à toute une génération ?
« Le processus commence dès la maternité », explique Antoine Banza de l’UNFPA. « Les données des nouveau-nés sont directement saisies dans un système numérique, éliminant les risques de perte ou de falsification ». Une innovation majeure dans un pays où seuls 25% des naissances sont enregistrées selon les normes légales. Le projet UNICEF RDC vient combler ce vide en produisant des ordonnances supplétives via la justice, véritable chaîne de sécurisation juridique.
Matthieu Mafwanikisa du ministère de l’Intérieur souligne l’impact social : « Chaque acte de naissance délivré, c’est un enfant protégé contre les mariages précoces, le travail forcé ou l’enrôlement militaire ». Pourtant, le défi reste immense. Avec une phase-test qui s’achève en juillet 2024, la question du financement pour l’extension à tout Kinshasa se pose cruellement. Les bailleurs internationaux suivront-ils la même cadence que l’urgence sociale ?
L’inauguration du bureau secondaire d’état civil à l’hôpital Roi Baudouin symbolise cette nouvelle ère. Le bourgmestre Joseph Shiku Katumba y a remis des actes sous les applaudissements, mais derrière cette vitrine officielle se cache une réalité têtue : des centaines de milliers d’enfants congolais attendent encore leur reconnaissance légale. La digitalisation sera-t-elle le remède miracle à cette hémorragie d’invisibles ?
Si le modèle fait ses preuves, son déploiement nécessitera un investissement massif dans la formation des agents et l’équipement technologique des zones reculées. Un enjeu crucial pour l’équité sociale : aujourd’hui concentré sur Kinshasa, le projet doit impérativement essaimer dans les provinces où les taux d’enregistrement plongent sous les 10%. La reconnaissance juridique des enfants ne saurait être un privilège urbain.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net