Dans l’ombre des crises climatiques qui s’intensifient, un projet congolais fait parler d’espoir. Le bassin du Congo, deuxième poumon vert de la planète, voit naître un modèle de conservation qui pourrait redéfinir l’équation entre écologie et économie. Mais à quel prix ?
Le projet REDD+ Mai-Ndombe, piloté par ERA Congo, filiale de la société américaine WWC, a été érigé en vitrine lors d’un side event organisé en marge du Forum des Nations Unies sur les forêts. Avec 300 000 hectares de forêt sous gestion, ce mécanisme de crédits carbone promet de concilier protection environnementale et développement communautaire. Un pari audacieux dans un pays où 60% des forêts tropicales africaines sont menacées par l’exploitation illégale.
« Les communautés locales obtiennent 25% des revenus des crédits carbone », explique Jean-Robert Bwagoy, administrateur d’ERA Congo. Un partage inédit qui se matérialise par 28 écoles construites, 5 cliniques opérationnelles et deux hôpitaux rénovés. La clinique mobile déjà fonctionnelle offre des soins gratuits à des populations souvent oubliées. Mais derrière ces avancées tangibles se cache une question cruciale : ce modèle est-il reproductible à l’échelle du bassin du Congo ?
La ministre de l’Environnement, Ève Bazaiba, lance un avertissement glaçant : « La guerre menace notre faune et notre flore. Les aires protégées sont spoliées ». Un paradoxe pour ce pays qui stocke l’équivalent de 39 milliards de tonnes de CO2 dans ses tourbières – de quoi absorber les émissions annuelles de 28 pays industrialisés combinés.
Le mécanisme de crédit carbone en RDC repose sur un équilibre fragile. Si 50% des bénéfices reviennent au gouvernement, les défis persistent : pression démographique, conflits armés, et convoitises internationale pour ces « forêts qui valent de l’or ». Les communautés autochtones, gardiennes ancestrales de ces écosystèmes, deviendront-elles les prochaines sentinelles du climat ? Leur implication dans la gestion forestière marque un tournant, mais suffira-t-elle à enrayer la déforestation qui grignote 500 000 hectares par an en RDC ?
Alors que le projet ERA Congo montre des premiers résultats concrets, d’autres voix s’élèvent. Certains experts craignent une marchandisation des forêts tropicales, transformées en simples « puits de carbone » comptabilisés au profit des pollueurs du Nord. La ministre Bazaiba rétorque : « Nous mesurons notre responsabilité pour sauver l’humanité ». Un discours qui place la RDC en gardienne du climat global, mais soulève une autre urgence : protéger les protecteurs.
Article Ecrit par Miché Mikito
Source: Actualite.cd