Dans un contexte de tensions persistantes à l’Est de la République Démocratique du Congo (RDC), la visite de la ministre des Affaires Étrangères Thérèse Kayikwamba Wagner à Addis-Abeba marque une étape cruciale dans les efforts de pacification régionaux. Reçue ce mercredi 7 mai 2025 par Mahamoud Ali Youssouf, président de la Commission de l’Union Africaine (UA), les échanges ont porté sur la sécurisation des zones en proie aux conflits armés et la coordination des mécanismes de médiation.
Selon le communiqué officiel de l’UA, les discussions ont souligné la nécessité d’un « processus de paix coordonné et inclusif ». La ministre congolaise a salué le leadership continental dans la résolution des crises, réitérant l’attachement de Kinshasa au principe des « solutions africaines aux problèmes africains ». Un langage qui rappelle les critiques récurrentes de la RDC face aux ingérences externes, notamment dans le dossier épineux du M23, soutenu selon Kinshasa par Kigali.
Mais pourquoi cet entretien survient-il maintenant ? La réponse se niche dans l’imbroglio diplomatique actuel. Alors que le médiateur désigné par l’UA, le président togolais Faure Gnassingbé, multiplie les consultations entre Félix Tshisekedi et Paul Kagame, les États-Unis annoncent une avancée significative : la remise par la RDC et le Rwanda d’un avant-projet d’accord de paix. Ce document, élaboré sous l’égide de Washington, cristallise les attentes après des années de violences cycliques.
Le calendrier semble accéléré. Le 26 avril 2025, les deux pays s’engageaient à soumettre un texte commun avant le 2 mai – délai tenu malgré les défiances historiques. Les ministres Kayikwamba Wagner et Olivier Nduhungirehe (Rwanda) ont validé un cadre incluant souveraineté territoriale, coopération économique et renforcement de la MONUSCO. Reste à savoir si ces engagements survoleront les écueils habituels : démobilisation des combattants, traçabilité des minerais, et surtout, le rôle controversé de Kigali dans le financement des rebelles.
L’UA joue ici un rôle d’équilibriste. Tout en soutenant l’initiative américaine, l’organisation continentale tente de fédérer les processus de Nairobi, Luanda et Doha – parfois perçus comme concurrents. « La synergie entre la CEA, la SADC et l’UA est vitale », analyse un diplomate sous couvert d’anonymat. « Mais la vraie question est : qui paiera le prix de la paix ? Les populations frontalières exigent des actes, pas des promesses. »
Les enjeux économiques compliquent la donne. La région des Grands Lacs, riche en ressources minières, voit s’entrechoquer les intérêts des multinationales, des États et des groupes armés. L’accord en gestation prévoit un volet sur la « coopération économique régionale », formule ambitieuse dans un espace où la méfiance règne. Les experts soulignent d’ailleurs le paradoxe : comment construire une interdépendance économique quand les bases sécuritaires restent fragiles ?
Washington, en arrière-plan, affiche sa volonté de rester un acteur clé. La déclaration de principes signée sous médiation américaine prévoit une échappatoire en cas de blocage : une réunion ministérielle d’arbitrage aux États-Unis. Une garantie qui rassure les partenaires internationaux, mais suscite des résistances chez certains dirigeants africains attachés à une résolution endogène.
Au-delà des déclarations optimistes, le terrain rappelle sa réalité brutale. Ces dernières semaines, des affrontements entre l’AFC/M23 et l’armée congolaise ont encore déplacé des milliers de civils. La MONUSCO, dont le mandat est régulièrement critiqué, devra adapter son déploiement aux termes du futur accord. Un défi de taille alors que Kinshasa réclame son retrait progressif depuis 2023.
La prochaine phase ? Tout dépendra de la capacité des parties à transcender les rancoeurs historiques. Si Addis-Abeba a insufflé un nouvel élan diplomatique, les mois à venir testeront la résilience de ces engagements sur papier. Comme le résume un observateur des Nations Unies : « En RDC, les accords de paix naissent souvent dans l’enthousiasme… et meurent dans l’indifférence. Cette fois-ci sera-t-elle différente ? »
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: Actualite.cd