Dans un contexte marqué par une crise sécuritaire persistante à l’Est et des défis de développement structurels, la Première Ministre Judith Suminwa a orchestré une rencontre stratégique avec les chefs d’agences du Système des Nations Unies (SNU). Loin d’être une simple formalité diplomatique, cet échange cristallise les tensions entre les impératifs humanitaires immédiats et les ambitions de long terme d’un gouvernement confronté à la quadrature du cercle : comment concilier guerre et développement ?
Une feuille de route sous le signe de la dualité
La Cheffe du Gouvernement a martelé un message apparemment paradoxal : prioriser l’Est en feu sans sacrifier le reste du pays sur l’autel de l’urgence. « Investir dans les infrastructures socioéconomiques, l’agriculture et la diversification économique » – le mantra ressemble à un vœu pieux face à l’hémorragie sécuritaire. Pourtant, cette position défendue bec et ongles par Suminwa révèle une stratégie calculée : ancrer la légitimité du gouvernement dans des réalisations tangibles hors des zones de conflit.
Le SNU, partenaire ou faire-valoir ?
Bruno Lemarquis, Coordonnateur résident du SNU, a salué avec un enthousiasme mesuré « les orientations claires » du gouvernement. Derrière les louanges de circonstance perce une réalité moins glorieuse : le nouveau cadre de coopération ONU-RDC pour 2025-2030 ressemble étrangement à une copie conforme du Programme national stratégique de développement congolais. Faut-il y voir un alignement vertueux ou une capitulation des partenaires internationaux devant l’inflexibilité de Kinshasa ?
L’argent des bailleurs : la quadrature du cercle
L’éléphant dans la pièce reste le retrait brutal de plusieurs financements internationaux. Judith Suminwa n’a pas mâché ses mots : « Dans ce contexte de réduction des ressources, il faut éviter le saupoudrage ». Un vocabulaire choisi qui cache mal une critique en filigrane de l’aide internationale fragmentée. Le gouvernement congolais semble jouer une partition risquée : exiger plus de coordination tout en cherchant à garder la main sur l’agenda des interventions.
Un équilibre précaire
La volonté affichée de « focaliser sur les personnes les plus vulnérables » sonne comme un aveu implicite. Les récentes coupes budgétaires dans l’humanitaire menacent-elles de transformer l’Est en poudrière abandonnée ? La réponse de Suminwa emprunte les chemins détournés de la realpolitik : multiplier les concertations pour « une action plus rationnelle ». Stratégie de procrastination ou véritable méthode ?
L’avenir en pointillés
Ce dialogue gouvernemantal-SNU ouvre une boîte de Pandore. En exigeant des partenaires qu’ils épousent ses priorités, le gouvernement Suminwa prend le pari audacieux de reprendre le contrôle du narratif développementaliste. Mais gare aux revers : chaque réunion supplémentaire reporte un peu plus les décisions cruciales sur le financement des urgences. Le prochain test sera l’opérationnalisation concrète de ce cadre de coopération – entre discours ambitieux et réalités comptables.
Alors que la RDC navigue entre rébellions armées et déficits chroniques, cette collaboration revisitée avec l’ONU pourrait bien déterminer l’issue du mandat de Suminwa. Sa capacité à transformer ce consensus de façade en résultats tangibles s’annonce comme le véritable baromètre de sa gouvernance. L’histoire retiendra-t-elle ce sommet comme un tournant stratégique ou une simple parenthèse protocolaire ? La balle est dans le camp des acteurs… et des bailleurs.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: primature.grouv.cd
