Dans un contexte marqué par des défis humanitaires croissants, la Croix-Rouge de la République démocratique du Congo (RDC) tourne une nouvelle page. Ce jeudi 8 mai, à la veille de la Journée mondiale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, un comité directeur fraîchement élu a pris les rênes de l’organisation. Une transition scrutée à la loupe dans un pays où les besoins en secours d’urgence ne cessent de croître.
« Nous courons chaque jour pour sauver des vies, mais qui court pour nous ? », interroge Anicet*, secouriste volontaire à Goma. Comme lui, des milliers de bénévoles sillonnent les routes accidentées du pays, souvent confrontés au manque de matériel et à la précarité. C’est sur ce terreau complexe que Grégoire Mateso Buta Wayi a été reconduit à la présidence nationale par un vote unanime – 60 voix sur 60 – lors d’une assemblée générale extraordinaire regroupant les représentants des 26 provinces.
Le nouveau comité de neuf membres hérite d’un paradoxe : une légitimité renforcée par l’expérience, mais des attentes colossales. « La priorité sera de redonner sa noblesse au volontariat », promet le président réélu, dont le discours résonne comme un aveu implicite des difficultés terrain. Les défis ? Structurer la formation des secouristes, améliorer la logistique et surtout, sécuriser des financements durables.
Madame Paloma, représentante de la Croix-Rouge suédoise, salue cette continuité : « Travailler avec une équipe rodée accélère la mise en œuvre de nos projets vitaux ». Parmi les bailleurs présents – Belgique, Espagne, Comité international de la Croix-Rouge (CICR) –, les visages trahissent cependant une inquiétude : comment maintenir l’aide internationale dans un pays régulièrement éclipsé par d’autres crises globales ?
Les délégués provinciaux n’ont pas mâché leurs recommandations. « À Mbuji-Mayi, nos volontaires paient parfois de leur poche le carburant des ambulances », dénonce un responsable du Kasaï-Oriental. Dans le Kivu, c’est la sécurité des équipes qui préoccupe, alors que les conflits armés compliquent l’accès aux populations vulnérables. Autant de réalités qui exigent plus qu’un plan stratégique – une refonte des mécanismes de soutien sur le terrain.
Derrière les discours officiels, une question cruciale persiste : cette réorganisation suffira-t-elle à transformer l’essai ? Le bilan du précédent mandat mixte succès et lacunes. Si la Croix-Rouge congolaise a intensifié ses interventions lors des récentes épidémies d’Ebola, les volontaires dénoncent toujours des retards dans le versement des indemnités symboliques. Un paradoxe dans un pays où le bénévolat reste le pilier fragile de l’action humanitaire.
La route s’annonce ardue pour Grégoire Mateso Buta Wayi. Son équipe devra négocier un subtil équilibre : répondre aux exigences des partenaires internationaux tout en consolidant sa base locale. Un enjeu qui dépasse la simple gestion associative. Dans un pays où l’État social reste une chimère, les organisations comme la Croix-Rouge portent un maillon essentiel de la résilience communautaire.
Alors que la RDC affronte une recrudescence des catastrophes naturelles et des déplacements forcés de populations, ce nouveau mandat sonne comme un ultimatum. La crédibilité de l’institution – et surtout, la vie de millions de Congolais – dépendront de sa capacité à traduire les promesses en actes concrets. Entre urgence opérationnelle et réforme structurelle, le compte à rebours est lancé.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net