Dans un geste inattendu, le Président Félix Tshisekedi a tiré un trait sur l’une des institutions phares de la lutte pandémique. La dissolution du Fonds National de Solidarité contre le Coronavirus, actée par ordonnance ce 7 mai 2025, interroge autant qu’elle souligne les recompositions en cours dans la gestion des deniers publics. Une décision qui résonne comme un coup de scalpel administratif dans un contexte de rationalisation budgétaire accrue.
À la RTNC, où le communiqué officiel a été lu en primeur, l’annonce a fait l’effet d’une onde de choc. Comment interpréter cette suppression cinq ans après sa création triomphale en pleine crise sanitaire ? Le Palais de la Nation avance l’argument imparable de l’efficacité étatique : « Cette mesure s’inscrit dans le cadre de l’évaluation globale des structures publiques superflues », peut-on lire dans le texte présidentiel. Un vocabulaire technocratique qui masque mal les enjeux politiques sous-jacents.
Retour en avril 2020 : face à la tourmente covidienne, le jeune pouvoir tshisekediste créait dans l’urgence ce fonds doté de missions cruciales. Approvisionnement en équipements médicaux, soutien au comité de riposte, renforcement des capacités diagnostiques… Le dispositif devait incarner l’union sacrée entre État, entreprises et partenaires internationaux. Cinq ans et plusieurs remaniements de gouvernance plus tard, le bilan apparaît en demi-teinte.
Les soubresauts dans la gestion du fonds auraient-ils précipité sa chute ? L’épisode révélateur du retrait des responsables religieux en 2020 – dont le cardinal Ambongo – avait déjà jeté une lumière crue sur les tensions internes. La nomination contestée du pasteur Dominique Mukanya Wa Banza comme coordonnateur en 2025, suivie de près par cette dissolution, dessine une chronologie troublante. « Le laboratoire des réformes administratives devient le théâtre de règlements de comptes », murmure-t-on dans les couloirs du ministère des Finances.
Sur le fond, la décision présidentielle s’ancre dans une logique de purge budgétaire. La guerre d’agression à l’Est – mentionnée en filigrane dans l’ordonnance – servirait de justification à ce resserrement fiscal. Reste que cette suppression pose une question lancinante : comment concilier austérité financière et maintien des capacités sanitaires stratégiques ? Le spectre d’une nouvelle crise épidémique plane toujours, rendant hasardeuse la liquidation des outils de veille sanitaire.
Les observateurs y décèlent surtout un signal politique fort. En s’attaquant à une structure associée aux heures glorieuses de la lutte anti-covid, Tshisekedi opère un double mouvement : d’une part, il se présente en garant d’une gestion vertueuse des ressources publiques ; d’autre part, il enterre symboliquement l’héritage des premières années de son mandat. Une manière de tourner la page sur les promesses inabouties de la riposte sanitaire ?
La suite des opérations s’annonce délicate. Le Chef de l’État a ouvert une boîte de Pandore institutionnelle : après le fonds coronavirus, quelles autres structures vont passer au laminoir des « rationalisations » ? L’ordonnance évoque explicitement un audit global des dispositifs créés ces dernières années. Un chantier titanesque qui risque de mettre à l’épreuve les équilibres fragiles de la coalition présidentielle.
Dans ce jeu d’échecs administratif, un enjeu crucial persiste : la transparence sur la gestion passée du fonds dissous. Les comptes rendus d’activité opaques et les polémiques récurrentes autour de la destination des fonds collectés réclament un examen minutieux. La crédibilité de la nouvelle politique d’assainissement des finances publiques en dépend directement.
À Kinshasa comme dans les provinces, les réactions se polarisent déjà. Si certains saluent un courageux coup de balai financier, d’autres dénoncent une manœuvre de diversion face aux urgences sécuritaires et sociales. Le véritable test résidera dans la capacité du pouvoir à transformer cette dissolution symbolique en réformes structurelles durables. Gageure complexe, alors que les défis sanitaires persistent et que les donateurs internationaux observent, méfiants, ce remodelage institutionnel.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd