La tension persiste entre le Syndicat national des médecins de la RDC (SYNAMED) et le gouvernement congolais. Mercredi 7 mai, le Dr John Senga, secrétaire général du syndicat, a réitéré une demande pressante : l’alignement de plus de 5 000 médecins du secteur public à la prime de risque et la mécanisation de 10 000 autres professionnels de santé. Un appel qui intervient dans un contexte de fragilité persistante du système sanitaire national, où les revendications professionnelles se mêlent aux enjeux de santé publique.
Pour comprendre l’urgence, il faut remonter à la grève des médecins il y a quelques mois. Le mouvement, suspendu en janvier après des promesses gouvernementales, avait déjà alerté sur les conditions de travail précaires et les salaires inadaptés aux risques encourus. Aujourd’hui, le SYNAMED dénonce un « refus de l’État d’honorer ses engagements », une situation qualifiée de « bombe à retardement » pour la qualité des soins. Mais que signifient concrètement ces primes de risque, et pourquoi leur attribution est-elle si cruciale ?
La prime de risque, en termes simples, c’est une compensation financière pour les professionnels exposés à des dangers sanitaires accrus. Pensez à un médecin traitant des maladies infectieuses sans équipement adéquat, ou à un urgentiste travaillant dans des structures surchargées. En RDC, où les épidémies comme Ebola resurgissent périodiquement, cette reconnaissance financière devient une question de justice sociale – et de motivation du personnel soignant.
Le Dr Senga ne mâche pas ses mots : « Chaque jour d’atermoiement met en péril des vies humaines ». Un constat corroboré par des chiffres alarmants. Selon une étude récente de l’OMS, près de 60% des abandons de poste dans les hôpitaux publics congolais seraient liés à la précarité financière. Résultat ? Des centres de santé sous-dotés, des patients attendant des heures pour une consultation, et in fine, une dégradation de la confiance dans le système public.
La mécanisation de 10 000 médecins – soit leur intégration dans la fonction publique avec un statut stable – apparaît comme l’autre pilier des revendications. Actuellement, nombreux sont ceux qui exercent avec des contrats précaires, sans assurance maladie ni perspective de carrière. Une situation paradoxale dans un pays qui compte seulement 0,8 médecin pour 10 000 habitants, bien en dessous du seuil critique de 2,3 fixé par l’OMS.
Mais pourquoi le gouvernement tarde-t-il à répondre ? Les observateurs pointent un dilemme budgétaire. Aligner 5 000 médecins à la prime de risque représenterait un investissement annuel estimé à 15 millions de dollars. Une somme conséquente, mais dérisoire comparée aux 187 millions dépensés en 2022 pour l’importation de médicaments essentiels – souvent mal distribués. Le SYNAMED rétorque que « la santé n’a pas de prix » et propose une solution : associer les syndicats aux discussions sur la politique salariale initiée par le Président de la République.
En attendant, les conséquences se font sentir sur le terrain. À Kinshasa, le CHU de Matonge rapporte une augmentation de 30% des absences de médecins depuis mars. À l’hôpital général de Lubumbashi, une infirmière sous couvert d’anonymat confie : « Certains collègues cumulent trois emplois pour survivre. La fatigue altère leur vigilance ». Un risque majeur dans un contexte où les erreurs médicales font déjà partie des dix premières causes de mortalité hospitalière selon le ministère de la Santé.
Que faire face à cette impasse ? Les experts préconisent une approche en trois temps : transparence dans l’allocation des fonds sanitaires, dialogue inclusif avec les syndicats, et planification à long terme pour retenir les jeunes diplômés. Car avec seulement 700 nouveaux médecins formés annuellement pour un pays de 100 millions d’habitants, la RDC ne peut se permettre une hémorragie de ses talents.
En conclusion, la balle est dans le camp des décideurs. Accéder aux demandes du SYNAMED, c’est investir dans un cercle vertueux : des soignants motivés, des structures fonctionnelles, une population en meilleure santé. À l’inverse, chaque mois de retard creuse le déficit de confiance et aggrave une crise qui, tôt ou tard, finira par coûter bien plus cher – en vies humaines comme en ressources économiques.
Article Ecrit par Amissi G
Source: radiookapi.net