En République Démocratique du Congo, une révélation financière interpelle les observateurs de la gestion publique : pas moins de cinquante-trois établissements publics non budgétisés ont vu le jour durant le premier mandat du Président Félix-Antoine Tshisekedi. Ce chiffre, dévoilé par l’ancien ministre des Finances Nicolas Kazadi lors d’un entretien médiatique, soulève des questions brûlantes sur l’équilibre des comptes publics et les priorités de l’action gouvernementale.
Une bombe à retardement budgétaire ?
Comment un État peut-il créer des structures publiques sans prévoir leur financement dans la loi de finances ? La question, posée avec insistance par Nicolas Kazadi, actuellement député national, met en lumière un déficit criant de planification économique. Ces 53 entités, opérationnelles malgré l’absence de lignes budgétaires dédiées, génèrent des dépenses récurrentes en salaires et fonctionnement. « Ce sont des fonctionnaires à payer, recrutés sans cadre limite », déplore l’ancien ministre, pointant un risque d’emballement des dépenses publiques.
La culture de la « jouissance immédiate » dénoncée
Plus qu’un simple problème technique, Kazadi diagnostique un mal structurel dans la gestion des deniers publics : « Quand il y a de l’argent, on se le partage d’abord. Les budgets de fonctionnement se transforment en primes avant même de servir leur objet initial. » Ce mécanisme, comparé à un « festin financier aux dépens du développement national », expliquerait en partie l’inefficacité chronique des investissements publics. Une pratique qui, selon l’ex-ministre, perpétue un cercle vicieux : création d’emplois non productifs, dilution des ressources, affaiblissement des projets structurants.
Le paradoxe de la réforme : entre urgence et inertie
Face à ces dérives, le gouvernement a reçu en mai 2024 une instruction présidentielle pour évaluer la rentabilité des structures récemment créées. Une mesure saluée mais qui soulève un paradoxe : comment rectifier a posteriori des décisions institutionnelles prises sans étude d’impact préalable ? La tâche s’annonce herculéenne : analyser la valeur ajoutée de chaque entité, mesurer leur coût réel (direct et indirect), tout en gérant les résistances bureaucratiques.
Un test pour la gouvernance économique
Cette affire constitue un cas d’école des défis de la modernisation administrative en RDC. D’un côté, la nécessité de structures agiles pour répondre aux priorités présidentielles. De l’autre, le risque de dispersion des efforts et des ressources. Les prochains mois seront cruciaux : la capacité à rationaliser ces structures sans créer de crises sociales (licenciements massifs) ou politiques (conflits institutionnels) déterminera en partie la crédibilité des réformes économiques en cours.
Au-delà du cas spécifique, c’est toute la philosophie de la dépense publique qui est interrogée. Faut-il privilégier la création d’emplois publics à court terme ou investir dans des infrastructures génératrices de croissance durable ? La réponse à cette équation complexe pourrait bien conditionner l’atteinte des objectifs de développement du pays d’ici 2030.
Article Ecrit par Amissi G
Source: radiookapi.net