Un ravin vorace dévore littéralement le quartier Binza Delvaux à Kinshasa. Depuis plusieurs semaines, cette érosion monstrueuse sur l’avenue Lalou transforme le quotidien de centaines de familles en cauchemar. Des maisons englouties comme aspirées par une mâchoire de terre, des câbles électriques disparus dans les entrailles du sol, et une route stratégique vers Matadi réduite à un champ de ruines. La nature se venge-t-elle de décennies de négligence urbaine ?
Les images choquantes montrent des profondeurs béantes là où des enfants jouaient il y a peu. « C’est devenu un parcours du combattant pour aller à l’école », témoigne un parent sous le choc. Les habitants, contraints d’emprunter des tunnels de fortune taillés à la hâte, risquent leur vie à chaque déplacement. La REGIDESO sonne l’alarme : la rupture des conduites d’eau expose la population à un danger invisible mais mortel – les maladies hydriques.
Derrière ce désastre écologique se cache un cocktail explosif. L’absence de drainage adapté, les constructions anarchiques et les pluies diluviennes ont transformé cette artère vitale en passoire. « Chaque goutte de pluie creuse un peu plus notre tombeau », lâche un riverain les yeux rivés sur le gouffre. Les experts pointent du doigt l’urgence d’une gestion rationnelle des sols dans une capitale où le béton avance plus vite que les plans d’aménagement.
Les conséquences sanitaires font froid dans le dos. Privés d’eau potable, les habitants marchent des heures pour remplir quelques bidons. « Comment éviter le choléra dans ces conditions ? » s’interroge une mère de famille épuisée. Les cliniques locales redoutent une explosion des cas de diarrhées infantiles, dans un pays où les maladies hydriques tuent silencieusement chaque année.
La visite éclair du ministre de l’Intérieur a laissé un goût mitigé. Si les promesses de remblayage imminent ont été accueillies avec soulagement, les souvenirs des engagements non tenus hantent les esprits. « On veut des actes, pas des discours ! » tonne un jeune habitant devant les caméras. La crédibilité des autorités se joue maintenant au rythme des pelleteuses.
Cette crise met en lumière un défi majeur pour Kinshasa. Comment concilier expansion urbaine et préservation des écosystèmes ? Les solutions existent : murs de soutènement écologiques, systèmes de drainage durables, plans d’urbanisme respectueux des reliefs. Mais leur mise en œuvre nécessite une volonté politique ferme et des investissements conséquents.
Alors que la saison des pluies s’installe, le compte à rebours est enclenché. Chaque averse agrandit la blessure terrestre, rappelant cruellement la vulnérabilité des quartiers populaires. La terre continue de glisser, emportant avec elle les espoirs d’une population abandonnée face aux forces de la nature. Jusqu’où devra-t-on reculer avant de voir surgir une réponse à la hauteur de l’urgence ?
Article Ecrit par Miché Mikito
Source: radiookapi.net