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Kinshasa : La chasse aux marchés pirates de Bumba, entre urgence urbaine et échec politique annoncé

Dans un geste qui mêle fermeté administrative et rappel à l’ordre public, le gouverneur de Kinshasa, Daniel Bumba, a ordonné ce mardi 6 mai l’évacuation des étals anarchiques longeant l’avenue Kasa-Vubu et les abords du marché central. Une décision présentée comme urgente pour sauver les travaux de réhabilitation de cet axe stratégique, étouffé sous les déchets et l’informel. Mais derrière cette opération « coup de poing » se cache un dilemme récurrent : comment concilier modernisation urbaine et survie économique des milliers de petits commerçants ?

Kasa-Vubu, symbole d’un chaos organisé

Les images des caniveaux obstrués par des sachets et des débris, tandis que les pelleteuses tentent d’avancer, résument à elles seules le paradoxe kinois. La réhabilitation de l’avenue Kasa-Vubu, vitrine des promesses de la ville « moderne », se heurte à une réalité têtue : l’économie informelle, hydre à mille têtes, recolonise l’espace public avant même l’achèvement des travaux. « Nous ne pouvons pas laisser une minorité irresponsable entraver le progrès de toute une nation », a tonné le gouverneur, brandissant la menace de sanctions. Une rhétorique martelée comme un mantra, mais qui bute sur un terreau social explosif.

La quadrature du cercle urbain

L’extension des évacuations aux avenues Rwakadingi et Itaga confirme la volonté d’un nettoyage à grande échelle. Pourtant, l’histoire récente jette un froid : combien d’opérations similaires se sont soldées par un retour des vendeurs en moins d’un mois ? En 2019, le « Kin Bopeto » avait fait couler des fleuves d’encre pour un résultat évanescent. « Chasser les marchands sans alternative, c’est comme balayer la poussière sous le tapis », grince un expert en urbanisme sous couvert d’anonymat. La question reste en suspens : où loger ces commerçants dont l’État ne peut – ou ne veut – absorber la précarité ?

Le piège des bonnes intentions

En invoquant l’article 15 de la loi sur l’occupation de l’espace public, le gouverneur Bumba campe en défenseur intransigeant de la légalité. « La rue n’est pas un centre commercial », assène-t-il, rappelant l’interdiction formelle des marchés pirates. Mais cette rigueur affichée masque-t-elle une impuissance structurelle ? Les chiffres donnent le tournis : près de 80% de l’économie kinoise échapperait au contrôle formel des autorités. Dans ce contexte, chaque expulsion ressemble à un coup d’épée dans l’eau, tant les racines du mal plongent dans les failles d’un système où l’informel devient norme.

L’éternel retour du même scénario

Les observateurs notent avec ironie le caractère cyclique de ces opérations. À chaque mandat, son « assainissement » médiatisé, ses promesses de pérennité… avant la prochaine mousson des étals sauvages. « C’est un jeu de cache-cache usant pour la population et les autorités », soupire une vendeuse de légumes, déjà relogée trois fois depuis 2020. Pendant ce temps, les investisseurs de la réhabilitation de Kasa-Vubu s’impatientent : chaque jour de retard coûte des milliers de dollars. La pression monte, mais les solutions pérennes se font attendre.

Vers une extension explosive ?

La perspective d’étendre ces évacuations à toute la capitale soulève autant d’espoirs que de craintes. D’un côté, la promesse d’une ville libérée de ses tumeurs commerciales anarchiques. De l’autre, le spectre de centaines de milliers de laissés-pour-compte, nourrissant le ressentiment social. « Personne n’aime travailler dans le désordre, mais la faim est encore moins supportable », lance un jeune vendeur de téléphones, résumant l’impasse. L’Hôtel de Ville promet des « solutions globales », mais reste évasif sur le calendrier et les moyens.

Alors que Kinshasa aspire à se muer en mégapole du XXIe siècle, ce nouveau round contre l’informel interroge : jusqu’à quand la répression sporadique tiendra-t-elle lieu de politique urbaine ? Le gouverneur Bumba, en jouant les bulldozers humains, risque-t-il d’écraser dans son élan les fragiles équilibres d’une économie populaire vitale ? L’avenir dira si cette opération restera une parenthèse autoritaire ou marquera l’amorce d’une véritable refondation. Une chose est sûre : dans les ruelles de Kinshasa, le bras de fer entre modernité et survie quotidienne est loin d’avoir livré son dernier round.

Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net

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Chloé Kasong
Chloé Kasong
Issue de Kinshasa, Chloé Kasong est une analyste rigoureuse des enjeux politiques et sociaux de la RDC. Spécialisée dans la couverture des élections, elle décortique pour vous l’actualité politique avec impartialité, tout en explorant les mouvements sociaux qui façonnent la société congolaise. Sa précision et son engagement font d'elle une voix incontournable sur les grandes questions sociétales.
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