Dans un contexte de tensions persistantes en Ituri, l’appel lancé par l’association « Jeunes leaders de l’Ituri » résonne comme un coup de semonce dans l’arène politique provinciale. La demande d’invalidation du mandat du député Jokaba Lambi (UPC) – accusé de canaliser ses émoluments vers la Convention pour la révolution populaire (CRP) – soulève une question brûlante : jusqu’où s’étend l’emprise des groupes armés sur les institutions locales ?
Christian Shauri, coordonnateur de la structure citoyenne, dénonce une mécanique financière troublante : « Les 10% de cotisation prélevés sur les salaires des députés UPC alimenteraient directement la rébellion de Thomas Lubanga ». Une affirmation qui fait écho aux récentes alertes sécuritaires concernant le CRP, qualifié par l’armée de « nouvelle menace structurée » dans la région. La rhétorique employée – « N’est-ce pas une façon de financer la rébellion ? » – frappe par son évidence calculée, mettant en lumière les contradictions d’un système où légitimité électorale et illégalisme armé semblent se nourrir mutuellement.
La réponse du rapporteur Pellet Kaswara illustre le cercle vicieux institutionnel : « En état de siège, l’Assemblée provinciale voit ses prérogatives réduites à néant ». Ce constat d’impuissance, formulé sous forme de question rhétorique – « En vertu de quoi agir ? » – révèle les limites du cadre légal face à la militarisation de la politique régionale. Une situation qui rappelle étrangement les mécanismes ayant conduit à l’émergence initiale de l’UPC dans les années 2000.
La demande de dissolution de l’UPC, pierre angulaire des revendications des Jeunes leaders, interroge sur l’efficacité des dispositifs légaux de lutte contre le financement des conflits. Si Thomas Lubanga – déjà condamné par la CPI – incarne la pérennisation d’un leadership militaro-politique, la persistance de son influence via des relais institutionnels questionne l’effectivité des transitions post-conflit.
Les implications de cette affaire dépassent largement le cas individuel du député Lambi. Elle met en lumière les failles d’un système où le statut parlementaire pourrait servir de couverture légale à des activités séditieuses. Les prochains jours s’annoncent décisifs : la réaction (ou son absence) des autorités de tutelle face à ces allégations constituera un test crucial pour la crédibilité du processus de démobilisation en Ituri.
Reste en suspens la question centrale : l’état de siège, présenté comme remède aux maux sécuritaires, ne deviendrait-il pas paradoxalement un alibi commode pour l’immobilisme institutionnel ? Alors que Bunia semble hésiter entre normalisation politique et escalade militarisée, la résolution de ce dossier pourrait marquer un tournant dans la gestion des interférations entre sphère politique et groupes armés en RDC.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net