La cité frontalière de Kasindi, dans le territoire de Beni (Nord-Kivu), est devenue l’épicentre d’une crise humanitaire grandissante. Depuis la soirée du lundi 5 mai, des centaines de familles déplacées, fuyant la localité de Lunyasenge récemment tombée aux mains des rebelles AFC/M23, y ont afflué. Épuisées et livrées à elles-mêmes, ces populations errent dans une région déjà fragilisée par des années de conflits armés.
Une urgence humanitaire en cascade
Selon des témoignages recueillis sur place, d’autres vagues de déplacés sont attendues des localités de Musenda et Katundu, situées près du lac Édouard. Les habitants de ces zones, pris en étau entre les affrontements et la menace rebelle, se dispersent : certains se replient vers Kyavinyonye, tandis que d’autres tentent désespérément d’atteindre Kasindi. Cette ruée crée un climat de tension palpable, alimentant les craintes d’une infiltration des combattants ennemis parmi les civils.
La société civile sonne l’alarme
Paul Zaidi, premier rapporteur de la société civile de Basongora, alerte sur les risques sécuritaires et sociaux. « Kasindi est devenu un refuge improvisé pour des milliers de Congolais, mais comment garantir leur sécurité sans structures d’accueil ? », interroge-t-il. Ses appels pressants visent les autorités politico-administratives et les comités locaux de sécurité, accusés de laxisme face à cette crise prévisible.
Lunyasenge : un symbole de l’escalade militaire
La chute de Lunyasenge le 2 mai dernier marque un tournant. Les combats entre les FARDC et les rebelles – soutenus par Kigali selon Kinshasa – auraient causé des pertes lourdes, bien que les bilans exacts restent inconnus. Dans un communiqué du 4 mai, l’armée congolaise a confirmé la perte du territoire, dénonçant une « violation flagrante du cessez-le-feu » par l’AFC/M23. Le colonel Mak Hazukay, porte-parole des FARDC dans le Grand-Nord, promet une riposte « sur tous les fronts » si les attaques persistent.
Doha : des négociations au point mort
Cette recrudescence des violences survient paradoxalement en pleine reprise des pourparlers à Doha. Malgré une déclaration conjointe signée il y a deux semaines, les discussions butent sur des points essentiels. Les échanges, qualifiés de « préliminaires », peinent à masquer l’impasse stratégique. La communauté internationale observe, impuissante, tandis que des milliers de civils continuent de fuir.
Une bombe à retardement régionale ?
Avec l’afflux continu de déplacés, Kasindi se transforme en poudrière. Les ressources manquent, les tensions intercommunautaires grondent, et la frontière ougandaise voisine attire autant qu’elle inquiète. Combien de temps avant qu’un incident ne déclenche une nouvelle spirale de violence ? La réponse des autorités congolaises – ou son absence – pourrait déterminer l’avenir de toute la région du Grand-Nord.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: Actualite.cd