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Ituri : 18 infrastructures stratégiques pour briser le cycle de la violence – Le pari risqué de la Banque mondiale ?

Dans la chaleur étouffante de Songolo, à 35 kilomètres de Bunia, une foule se presse autour des engins de chantier. Le vice-gouverneur de l’Ituri vient de lancer les travaux de 18 infrastructures socio-communautaires, un geste porteur d’espoir pour des populations meurtries par des années de conflits. « Ces routes, ces écoles, c’est notre chance de revivre », confie un habitant de Walendu Bindi, les yeux rivés sur les bulldozers. Mais derrière ce symbole de renaissance se cachent des défis colossaux.

Financé par la Banque mondiale via le projet STAR-Est, ce chantier phare vise à stabiliser l’Est de la RDC. Les neuf chefferies et secteurs ciblés dans les territoires d’Irumu et de Djugu portent encore les stigmates des attaques armées. La route Kombokabo-Songolo-Bavi, serpentant jusqu’à Gety, promet bien plus qu’un désenclavement : « Cette voie doit transformer nos champs abandonnés en greniers », insiste Masumbuko Adaba, député provincial d’Irumu. Une attente qui résonne comme un défi face aux herbes hautes qui engloutissent les terres agricoles.

Le projet mise sur une approche participative inédite. « Les communautés ont choisi elles-mêmes les infrastructures prioritaires », explique un responsable de STAR-Est. Écoles, centres de santé et routes agricoles composent ce plan de relèvement. Mais la véritable innovation réside dans le volet social : 3 000 jeunes, dont d’anciens combattants, seront intégrés dans des programmes de réinsertion. « Nous combinons travaux intensifs et subventions en cash pour recréer du lien social », détaille Steve Sengida, coordonnateur provincial. Une stratégie qui interroge : suffira-t-elle à désamorcer les racines de la violence ?

Dans le territoire de Djugu, épicentre des massacres, la construction d’un centre de santé suscite autant d’espoir que de scepticisme. « Depuis 2018, chaque nuit apporte la peur », murmure une mère de famille à Blukwa. Les infrastructures neuves pourront-elles effacer les traumatismes ? Les routes ouvertes empêcheront-elles la circulation des armes ? Le projet STAR-Est table sur un effet boule de neige : amélioration de l’accès aux marchés, baisse des prix des denrées, retour des investissements. Des projections qui butent sur une réalité têtue : la persistance de groupes armés dans la région.

L’initiative s’étendra bientôt à Mambasa et Mahagi, mais son succès dépendra d’un équilibre fragile. Les « travaux à haute intensité de main-d’œuvre » promettent des revenus immédiats, mais quid de la durabilité ? Les subventions en cash stimuleront-elles l’économie locale ou alimenteront-elles de nouvelles tensions ? « C’est un pari sur l’intelligence collective », défend un agent de terrain, montrant des jeunes en train de tracer des caniveaux. Pourtant, certains observateurs rappellent amèrement l’échec de projets similaires minés par la corruption.

Derrière les discours officiels se joue une course contre la montre. Les 100 kilomètres de routes agricoles doivent être achevés avant la prochaine saison des pluies. Les centres de santé manquent cruellement de personnel formé. Et surtout, la confiance des populations envers l’État reste à reconstruire. « Ces bâtiments ne servent à rien si les milices contrôlent encore nos villages la nuit », lance un notable de la chefferie Andissoma. Un avertissement qui plane comme une ombre sur les engins de chantier.

Le projet STAR-Est incarne cette dualité congolaise : un mélange d’audace et de vulnérabilité. Si les infrastructures matérialisent enfin la présence de l’État, leur impact réel dépendra de leur capacité à créer un cercle vertueux. Éducation, santé, mobilité économique – trois piliers pour briser l’engrenage violence-pauvreté. Mais dans l’Ituri meurtri, chaque pierre posée devra résister aux secousses d’une paix encore fragile.

Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net

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Chloé Kasong
Chloé Kasong
Issue de Kinshasa, Chloé Kasong est une analyste rigoureuse des enjeux politiques et sociaux de la RDC. Spécialisée dans la couverture des élections, elle décortique pour vous l’actualité politique avec impartialité, tout en explorant les mouvements sociaux qui façonnent la société congolaise. Sa précision et son engagement font d'elle une voix incontournable sur les grandes questions sociétales.
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