Kisangani, Tshopo – Une dette de plus de 51 millions de francs congolais (CDF) envers des fournisseurs de vivres plonge la prison centrale de Kisangani dans une crise financière aux ramifications économiques inquiétantes. Selon les opérateurs économiques concernés, ce retard de paiement, couplé à une résiliation abrupte de contrats, menace non seulement la stabilité du système pénitentiaire, mais aussi le tissu entrepreneurial local.
Un défaut de paiement aux conséquences en cascade
Les fournisseurs, dont Michel Saleh Mahamindi et Flora Kambale, avaient livré huile, riz, haricots et sel durant le dernier trimestre 2024. Un approvisionnement vital pour les détenus, mais dont le coût reste impayé depuis des mois. « Nous avons émis nos factures, mais le directeur de la prison ne répond pas », déplore Jacques Mahamidi, l’un des créanciers. Une situation qui résonne comme un coup de massue pour ces entrepreneurs, déjà confrontés à la résiliation unilatérale de leurs contrats par les autorités.
« Nous avons pris des marchandises à crédit. Maintenant, nos propres créanciers nous menacent », explique Jacques Mahamidi, illustrant l’effet domino de cette crise.
Un contrat temporaire ? Les zones d’ombre d’une gestion controversée
Junior Okondji, directeur intérimaire de la prison centrale de Kisangani, reconnaît les retards, mais invoque un « problème national » affectant toutes les provinces. Concernant la rupture des contrats, il justifie cette décision par le statut « temporaire » des fournisseurs, engagés après le désistement d’un ancien prestataire. Pourtant, les documents contractuels, signés par la Division provinciale de la Justice, semblent contredire cette version.
Au-delà de Kisangani : un système pénitentiaire sous tension
Cette affaire révèle une faille béante dans la gestion des marchés publics en RDC. Selon l’économiste Dieudonné Mbala, « les retards chroniques de paiement étouffent les PME locales et découragent l’investissement ». En 2023, un rapport de la Banque centrale du Congo pointait déjà des arriérés de paiement de l’État atteignant 120 milliards CDF dans le secteur pénitentiaire.
Conséquences économiques : faillites en vue et défiance institutionnelle
Les fournisseurs affectés, incapables de rembourser leurs dettes, redoutent une vague de faillites. « Cela affecte nos moyens de subsistance », insiste Flora Kambale. Une crise de confiance s’installe aussi : « Comment collaborer à nouveau avec l’État ? », s’interroge un fournisseur sous anonymat.
« Cette situation sape les bases de l’économie formelle », analyse Dieudonné Mbala. « Les entrepreneurs se tourneront vers l’informel pour se protéger. »
Perspectives : vers une réforme ou l’aggravation des tensions ?
Contacté par congoquotidien.com, le ministère de la Justice n’a pas répondu dans l’immédiat. Les fournisseurs menacent désormais de saisir la justice, tandis que des ONG locales appellent à un audit indépendant. En l’absence de mesures urgentes, cette tempête financière pourrait gagner d’autres provinces, fragilisant davantage un système pénitentiaire déjà sous-équipé.
En toile de fond, une question cruciale persiste : comment concilier rigueur budgétaire et respect des engagements de l’État, dans un contexte où la crédibilité économique de la RDC se joue aussi sur ces dossiers sensibles ?
Article Ecrit par Amissi G
Source: radiookapi.net