Dans une Afrique où la créativité pulse au rythme des tambours ancestraux, le Kinshasa Design Weekend (Kindeswe) dessine désormais sa constellation bien au-delà des frontières congolaises. Comme un baobab déployant ses branches vers de nouveaux horizons, l’événement phare du design africain entame sa mue internationale avec le Kindeswe Tour 2025. Première escale à Ouagadougou, du 10 mai au 11 juin, où la galerie Kaala deviendra l’écrin vivant d’une renaissance esthétique panafricaine.
L’air vibre déjà des ciseaux des tailleurs burkinabés croisant le geste des sculpteurs kinois. Sous l’impulsion de Tankila Studio, cette caravane artistique trace sa route en quatre actes : après le Burkina Faso, Cotonou (21 juin – 12 juillet), Paris (4-8 septembre) et Kinshasa (16 octobre – 1er novembre) accueilleront cette symphonie du faire-ensemble. Chaque ville s’apprête à devenir le théâtre d’une alchimie rare – résidences créatives précédant les expositions – où se réinvente la grammaire du design made in Africa.
« Notre tournée n’est pas un simple déplacement géographique, c’est une sédimentation culturelle », pourrait chuchoter l’esprit de Kindeswe. À Ouagadougou, les textiles bogolans danseront avec les motifs urbains de Kinshasa. À Cotonou, le Laboratorio Arts Contemporains transformera les récifs d’idées en archipels d’objets-frontières. Paris, lors de sa Design Week, offrira son carrefour mondial à cette esthétique décomplexée. Enfin, le retour à Kinshasa scellera ce périple d’une boucle vertueuse, à l’Institut Français transformé en laboratoire à ciel ouvert.
Derrière les pièces uniques qui s’exposeront, se joue une révolution silencieuse. Les designers congolais – héritiers des maîtres de la cosmogonie kuba – dialogueront avec les artisans du Faso, tissant une toile commune entre cuivre patiné et bois brûlé. L’architecte burkinabé y questionnera la verticalité des villes congolaises, tandis que le graphiste kinois réinterprétera les symboles adinkra. Chaque création, fruit de ces noces créatives, porte en germe l’ADN d’un continent en mouvement.
« Le design africain n’est pas un folklore, c’est un manifeste », lance un organisateur sous couvert d’anonymat. La preuve ? Ces lampes-sculptures inspirées des masques punu mais branchées sur Bluetooth. Ces tissus wax narrant l’exode rural sur le mode du pop art. À travers ces objets hybrides, Kindeswe défie les catégories : artisanat ou art contemporain ? Patrimoine ou innovation ? Le visiteur devra trancher.
Cette tournée sonne comme un défi à l’ordre établi des scènes artistiques globales. En investissant la Paris Design Week – Saint-Germain-des-Prés oblige –, les créateurs africains ne viennent plus en quémandeurs d’attention. Ils occupent l’espace en égaux, proposant leur propre grille de lecture du monde. Une revanche historique qui fait écho au slogan du festival : « Nous ne sommes pas l’avenir du design. Nous en sommes le présent multiple. »
Sur le plan économique, l’enjeu est tout aussi crucial. Chaque escale du Kindeswe Tour s’accompagne de workshops professionnels – contrats d’exportation, protection de la propriété intellectuelle, marketing digital. « Former les designers à conquérir les marchés internationaux sans renier leur identité : tel est notre combat », explique un membre de Tankila Studio. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : +300% d’exportations pour les participants des précédentes éditions.
Qui aurait imaginé, il y a dix ans, voir des galeristes parisiens s’arracher des fauteuils inspirés des trônes luba ? Le succès de Kindeswe révèle une soif mondiale pour les narratifs africains non édulcorés. Une tendance que confirment les partenariats déjà signés avec des institutions comme le Vitra Design Museum ou la Fondation Zinsou.
Alors que le soleil se lève sur Ouagadougou, prélude à cette odyssée créative, une question persiste : et si le XXIe siècle signait l’avènement du design africain comme lingua franca esthétique ? Le Kindeswe Tour 2025 apporte sa réponse en mouvement – polyphonique, ambitieuse, résolument ancrée dans le terreau fertile des cultures congolaises et panafricaines.
Article Ecrit par Yvan Ilunga
Source: Actualite.cd
