Dans la nuit du 2 mai, Kinshasa a été frappée par une pluie diluvienne qui a transformé les rues en torrents déchaînés. À Camp Luka, quartier populaire de Ngaliema, le récit de Don De Dieu, habitant les larmes à la voix, résume le drame : « Le caniveau venant de Météo était bouché. L’eau a tout emporté sur son passage, détruisant des maisons. Cinq personnes, surtout des enfants, ont péri. » Un bilan macabre qui s’alourdit avec le décès d’une fillette de 9 mois à Mont Ngafula, ensevelie sous un éboulement de terre. Comment une capitale peut-elle sombrer aussi vite face aux intempéries ?
Ngaliema, Mont Ngafula, Kisenso… Ces communes, déjà vulnérables, portent désormais les stigmates d’une catastrophe annoncée. À Kisenso, le bourgmestre Godé Atshwel Okel dresse un constat accablant : « Nous sommes une commune érosive. Les éboulements ont détruit des habitations, les têtes d’érosion progressent. » Des mots qui résonnent comme un aveu d’impuissance face à l’urbanisation anarchique et l’absence de drainage efficace.
Les images choc se multiplient : l’avenue du Tourisme à Ngaliema transformée en ravin, le By Pass de Mont Ngafula fissuré, les quartiers Ndanu et Matonge noyés sous les eaux. À Kintambo, une toiture arrachée par le vent blesse deux personnes. Ces scènes, répétées chaque saison des pluies, soulèvent une question brûlante : Kinshasa est-elle condamnée à revivre éternellement ce cauchemar ?
Au-delà des drames humains, l’effondrement des infrastructures révèle une crise systémique. La coupure du réseau Vodacom dans deux communes, causée par la rupture d’une fibre optique, expose la fragilité des services essentiels. « Comment croire au développement quand une simple pluie paralyse les communications ? », s’interroge un commerçant de Yolo Sud, les pieds dans la boue.
Derrière ces inondations se cachent des enjeux cruciaux : occupation illicite des bassins versants, gestion défaillante des déchets obstruant les caniveaux, et surtout, l’absence criante de politiques urbaines durables. Les Kinois paient au prix du sang les conséquences d’une gouvernance à courte vue. Alors que le changement climatique intensifie les précipitations, jusqu’à quand les autorités resteront-elles sourdes aux alertes des experts ?
Cette tragédie sonne comme un ultimatum. Elle exige plus que des constats : des solutions urgentes pour désengorger les canalisations, reloger les sinistrés, et surtout, repenser radicalement l’aménagement de la capitale. Car chaque goutte de pluie qui tombe sur Kinshasa rappelle cruellement cette vérité : négliger l’urbanisme, c’est jouer avec des vies humaines.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
